Perfect Blue
7.8
Perfect Blue

Long-métrage d'animation de Satoshi Kon (1997)

91eme film de l'année 2021 et rattrapage de cette œuvre dont j'en ai en entendu tant de bien et à raison!!


On suit l'histoire de la chanteuse J-Pop Mima qui quitte son groupe les "Cham" pour se lancer dans une carrière d'actrice. Mais ce changement ne plait pas à un de ses fans.


Alors que dire si ce n'est que le réalisateur a prédit avant l'heure tout ce dont la jeune population, particulièrement celle féminine, souffre vis à vis des phénomènes d'harcèlement sociaux et morales notamment sur internet avec cette incursion malsaine du public dans la sphère privée voir intime avec un voyeurisme empli d'une masculinité toxique et violente, frisant avec ce qu'il y a de plus sombre dans ce courant nauséabond dont la seule volonté était de réduire la femme à un objet enfantin sexuelle dénué d'intelligence et d'émotions que l'on pourrait posséder, souiller et jeter à sa guise après utilisation, ce qui a longtemps été la norme tacite dans ce secteur d'activité oh combien fermé et obscure par certains endroits.


Fort heureusement, après des années voire décennies de silence, dans la vie réelle, cette chappe de plomb commence à se briser sous les impulsions d'une foule sonnante et trébuchante près à faire tomber les tyrans et leurs mentalités contaminant le reste de la population afin de faire éclater au grand jour ces méfaits, mettant alors en lumière des victimes, brisées, ne savant plus réellement qui elles sont, qu'est ce qu'elle doit faire, essayant tant bien que mal de se (re)construire après tant d'années à n'avoir été qu'un objet obéissant.


Chose d'autant plus vraie dans le système des IDOLS tant féminines ou masculines que ce soit dans la J-pop ou K-pop où cela fait fait bien longtemps que l'humanité a disparu aux profits d'une machine infernale et bien huilée conquérant le monde entier tout en broyant la jeunesse, puit inépuisable qui lui sert de carburant.


A travers cette histoire, c'est tout un pan de la société naissante à l'époque, celle nourrit d'internet, de ses idéaux mais aussi de ces travers qui est analysé et décortiqué. L'histoire de cette jeune star de J-pop est si saisissante qu'elle pourrait arriver à n'importe quelle star (ce qui est d'ailleurs le cas).


On peut penser aux stars de la K-pop les chanteuses Sulli et Goo Hara, toutes deux victimes de cyberharcèlement, se sont suicidées ou encore le chanteur et acteur Cha In-ha, 27 ans retrouvé mort.


Loin d'être un phénomène épisodique, c'est même devenu un enjeu majeur en Corée car tout simplement le suicide est la première cause de décès chez les moins de 40 ans, selon un rapport publié en septembre par Statistique Corée (Kostat). Il s'agit du quatrième taux le plus élevé au monde selon l'article de Libération (https://www.liberation.fr/planete/2019/12/12/coree-du-sud-des-suicides-en-serie-chez-les-stars-de-la-k-pop_1768810/)


Cette ex IDOL tentant de se redécouvrir, redéfinir, le tout sous le regard accusateur et misogyne de ses fans possessifs et oppressifs ainsi que ces collègues/mentors aux regards graveleux et libidineux la faisant au fur et à mesure aussi perdre la raison mais plus encore le sens des réalités à cette protagoniste Mima engluée dans un chemin labyrinthique dont elle n'est connait plus le retour, se contentant d'avancer dans le noir en embrassant l'obscurité.


Le réalisateur perfidement place le spectateur au même niveau de compréhension que Mia, celui-ci ne savant pas plus qu'elle ce qui est réelle de ce qui n'est une hallucination éveillé mais qui a la position d'un voyeur abject se délectant en cachette de ce qu'il voit notamment des scènes très intimes ou encore de viols orchestrés/rêvés ou réelles, le choix de la véracité étant au final à l'appréciation du spectateur abasourdi par ce qu'il voit et croit comprendre.


On ne peut faciliter l'artistique qui a travers ce procédé très astucieux permet de garder en éveil l'ensemble du public grâce à une construction narrative peu commune et un rythme idoine.


Les personnages bien que pouvant être pensé de prime abord comme peut-être caricaturales, ne le sont pas, ayant chacun une caractéristique particulière permettant de faire avancer le récit en même temps que le développement du caractère des personnages, se révélant bien plus humain qu'il n'y parait, l'humain n'ayant pas que des bon cotés, loin de là.


La casting vocal fait un boulot formidable et la VF n'a pas à rougir des prestations des comédiens de doublage selon moi.


Au niveau visuel, c'est pour moi la chose qui a le plus mal vieilli. En effet, le style graphique fait très daté, les traits des personnages n'étant pas vraiment raffinés tandis que l'animation globalement étant juste correcte. La palette graphique étant elle-aussi un peu en dedans même si il y a certains plans d'une assez belle beauté. Pour moi d'ailleurs, l'affiche du film possède de bien meilleurs dessins que le film en lui-même curieusement.


Cependant, rassurez-vous, on s'y fait rapidement tant on est pris par l'histoire mais cela aurait pu être intéressant d'avoir un style moins vieillot même si cela n'est pas vraiment dérangeant.


Au niveau sonore, ils est vraiment pas mal que ce soit la BO, mixage et bruitage.


Au final, c'est un film pleinement politique avec un message fort décrivant en avance ce que la consommation de masse et la déshumanisation des personnes peuvent engendrer comme monstres sous toutes ses formes (harcèlement, cyberharcèlement,, objectification, infantilisation, relations toxiques…) broyant au passage des âmes égarés qui auront toutes les peines du monde pour se reconstruire dans un monde peu accueillant.


A découvrir par tous et notamment les plus jeunes!!

lugdunum91
8
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le 20 juil. 2021

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lugdunum91

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