La vie quotidienne d'un homme dont le métier est de nettoyer les toilettes publiques de Tokyo. Il se lève chaque matin dans le même petit rituel quotidien, fait son travail avec soin et méticulosité (il faut dire que les toilettes publiques de Tokyo sont si propres, belles et réussies architecturalement que ça donne envie d'en prendre soin), et termine sa journée avec les mêmes petits rituels. C'est un homme cultivé, il aime lire, Faulkner par exemple, il adore écouter des cassettes de rock (qu'il collectionne) dans sa voiture, il fait de la photographie, toujours les mêmes arbres, en noir et blanc, et ne garde que les clichés les plus réussis, même s'il développe tout avant, et aime diner aux mêmes endroits. Rien ou presque ne perturbe la vie de cet homme, mais il est heureux. Il profite de chaque instant que la vie lui offre, et peut s'émerveiller d'un simple rayon de soleil, ou d'un coup de vent agitant une branche. Quelques petits éléments vont venir perturber parfois ce quotidien, un collègue fantasque, une nièce pas vue depuis des années qui débarque chez lui suite à une fugue, une tenancière de bar dont il aimerait tomber amoureux, son ex-mari malade d'un cancer, mais jamais ces rencontres ne vont perturber durablement la vie de cet homme, elle ne vont que l'enrichir. On ne peut d'ailleurs que louer Wim Wenders, revenant ici, alors que personne ne s'y attendait, au meilleur de sa forme, de n'avoir pas céder aux sirènes dramaturgiques américaines qui obligent à casser une situation de départ, pour tenter pendant tout le film d'y revenir, en étant transformé par une nouvelle expérience. Ici ce n'est jamais ça, la situation de départ n'est jamais cassée, ni même jamais brutalisée, elle peut parfois bouger lentement comme bouge la branche d'un arbre sous le souffle du vent, mais finit par reprendre sa place. Ah, et chaque nuit, l'homme rêve, en noir et blanc, comme ses photos, et Wenders nous montre ces rêves. Je ne suis pas toujours très fan de voir des rêves au cinéma, c'est souvent trop facile, mais les siens sont merveilleux. Ils ne durent que 4 secondes au mieux, en noir et blanc, quelques images abstraites et poétiques superposées, des matières, des textures, du vent, encore, de la nature, des sentiments, des sensations fugaces ressenties durant la journée, et hop, on se réveille, et il temps d'attaquer la suivante. Le quotidien a rarement été aussi beau au cinéma.