500 000 entrées, mini succès porté par une vague unanime, je commençais à culpabiliser d'avoir fait l'impasse sur ce Petit Paysan lors de son exploitation cinéma.
Parce que j'étais sûr de me retrouver devant une viande d'origine française un peu militante persillée des défauts habituels du genre qui, pour moi, passent de moins en moins. Mes a priori sont tenaces pour ce type de films. Et confirment malheureusement que le masqué ne s'est pas amélioré avec la nouvelle année...
Pourtant, il serait hypocrite de ne pas dire que l'émotion prend réellement aux tripes, et que Swann Arlaud est formidable dans son rôle. Cette émotion évolue en véritable déchirement le temps de cette fin inéluctable, répondant au fragile et au doute d'une première partie qui exécute une peinture assez vraisemblable de la ruralité. Il y a aussi un aspect révoltant dans tout cela, une certaine injustice dans cette maladie qui frappe de manière aveugle malgré l'amour du métier que l'on peut mettre dans ce que l'on fait. Malgré le soin et les sentiments que l'on porte à ses bêtes.
De ce point de vue, Petit Paysan touche au but de très belle manière, tant il s'impose comme un triste requiem pour un monde paysan qui se trouve littéralement asphyxié.
A l'évidence réalisé ou scénarisé par quelqu'un du sérail, Petit Paysan porte cependant en lui presque tous les défauts de cette connaissance, ceux que le masqué redoutait et qui, finalement, ont défilé en rang serré. Et de manière maladroite.
Car tandis que l'agriculteur ne compte pas ses heures, le véto, lui, passe tout d'abord pour un parfait abruti, avant de se faire reprocher qu'il peut, lui, s'abstenir de travailler certains jours... Les tracas administratifs et autres contrôles, eux, s'abattent naturellement sur sa coloquinte, en plus du malheur de la maladie, comme s'il en avait besoin. Et puis tout cela, en fin de compte, c'est toujours la faute à l'Union européenne...
De tels systématismes de la pensée ont de quoi laisser pantois, tout comme quelques dérivés de l'aventure principale qui, s'ils concourent à dessiner la situation du paysan, parasitent littéralement le récit, sans pour autant traiter à fond les thématiques de la solitude, de la difficulté à trouver une compagne ou de privilégier le bien être de ses bêtes..
De telles maladresses tendent à amoindrir méchamment le ressenti face à ce Petit Paysan qui, s'il se comporte de manière louable et charrie une véritable émotion, aurait beaucoup gagné à se focaliser sur l'unique détresse de son personnage principal pour en sonder son sentiment d'injustice, ainsi que le fait qu'il soit totalement désarmé face à ce qui le frappe. Les potes, le love interest inutile ou encore le rôle de Bouli Lanners, assez antipathique, le comble, auraient donc tout simplement dû être sabrés. Afin que Petit Paysan puisse donner libre cours à la douleur, à son intime, à sa souffrance, qui, en l'état, ne sont esquissés que par des fulgurances graphiques, dont certaines braconnent du côté du rêve, aux frontières du fantastique ou, de manière étonnante, du film d'horreur.
En l'état, Hubert Charuel livre un film assez attachant mais maladroit, intime par instant, mais parfois démago dans ses systématismes. Et qui se prive bien de lancer la réflexion sur une certaine schizophrénie aberrante du consommateur d'aujourd'hui. Celui qui rêve de petites exploitations libérées des contrôles de Bruxelles, tout en hurlant au principe de précaution et à la mainmise sanitaire, dénoncée ici avec un écoeurement désabusé, à chaque salmonelle que recèlerait le lait de bébé ou chaque plat de lasagnes à cheval.
Mais de là à crier "Adieu, veaux, vaches, cochons...", il y a un pas que le masqué se gardera bien de franchir. Car Petit Paysan ne le mérite en aucun cas.
Behind_the_Mask, adepte de l'amour vache.