Lorsque l'on regarde Phantom Thread, on a l'impression de lire un film. La richesse de l'image et des décors, la finesse du jeu des acteurs et des dialogues lui donnent une couleur littéraire harmonieuse. Tous les réalisateurs n'ont pas ce don. Je suis l'un des premiers à me plaindre des films qui se veulent trop littéraires et qui oublient le périmètre de leur art. Phantom Thread est peut-être encore trop littéraire à mon goût (j'ai trouvé son rythme un peu lent), mais il emploie avec brio l'art cinématographique pour se donner cette texture. De manière surprenante, le scénario de Phantom Thread ne provient pourtant pas d'une adaptation, mais est une véritable création. Peut-être est-ce là la clé du succès.


Daniel Day-Lewis se marie parfaitement à cette tonalité littéraire, sa performance est, comme d'habitude, éblouissante. Il est un comédien avant d'être un acteur, comme tous les grands acteurs.


Sur le plan esthétique, c'est l'un des plus beaux films que j'ai jamais vus. Souvent, on considère comme "beaux" des films qui possèdent de temps en temps de beaux cadrages, de beaux points de vue. Mais dans Phantom Thread, tous les plans sont remarquables. Il n'y a pas une seule prise de vue laissée au hasard. La composition de l'image est toujours méticuleuse et une telle constance dans la perfection est remarquable !


Un seul bémol, outre le rythme un peu lent : j'ai trouvé que la conclusion du film n'était pas convaincante. Les deux grands sujets abordés par Phantom Thread me semblent être la codépendance et l'inégalité sociale dans la relation amoureuse. Ce que démontre la plus grande partie du film, jusqu'à sa fin qui n'en paraît que plus étonnante, c'est qu'il est impossible de remédier définitivement à la différence de classe sociale dans un couple. Malgré la ruse malsaine d'Alma pour recréer une dynamique amoureuse, les problèmes finissent par revenir fatalement. Les habitudes aristocratiques de l'un finissent toujours par interférer avec les manières rustres de l'autre. Mais au lieu de s'achever sur une mésentente tragique, fin qui aurait somme toute été cohérente, Phantom Thread semble conclure que le bonheur du couple provient d'un accord tacite de destruction mutuelle entre ses deux membres... C'est une drôle de conception de la relation amoureuse. "On se dit le 1er mercredi de chaque mois pour un petit empoisonnement, histoire de nous remonter le moral" "Ok, chaud !" C'est davantage une parabole à méditer qu'une fin rationnelle que nous propose là Paul Thomas Anderson. Au moins, elle a le mérite de l'originalité.


7,5/10

Philip-Marlowe
7
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le 1 avr. 2021

Critique lue 40 fois

Philip Marlowe

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