Un récit en forme de machine à produire de l'inconnu et de la béance

Par Vincent Malausa

Ex-roi du twist et prodige des box-offices, il ne reste plus grand-chose du chaillou. Depuis son phénoménal Village, le plus sioux des cinéastes hollywoodiens a lâché pas mal de monde en route, si bien que Phénomènes, malgré un pitch inouï (des citadins se suicident par grappes entières dans le Nord-est des Etats-Unis), porte tous les stigmates du film amoché et revenu d'entre les morts : cette photo lavasse, cette ambiance sépulcrale et déprimée, ce rythme hirsute de série B tout sauf apprêtée sont à des années-lumière du style tiré à quatre épingles des éclatants prototypes qu'étaient Incassable ou Signes. Et pourtant, tout est là, du goût pour la fable politique au fourmillement d'idées visuelles, des tressautements burlesques aux rails du conte psychanalytique (un couple qui ne sait pas communiquer affublé d'une fillette anxieuse) : tout est là mais rabougri ou dilaté de manière improbable. A l'image de cette vieille folle qui accueille les personnages dans sa cabane de sorcière ou de cette atroce séquence vidéo surgie de nulle part (sur un portable, un dresseur se fait bouffer tout cru par des lions affamés).

Si l'effroi et le grotesque, l'horreur et le mélo priment désormais sur l'ampleur et la souveraineté du récit, Phénomènes chauffe à blanc le grand principe paranoïaque à l'oeuvre dans tous les films de Shyamalan : jeu d'épure par où la fable s'étrique et les comportements confinent au réflexe, mais où la terreur, elle, rayonne comme jamais en menaçant de vider à tout instant les personnages de leur substance. Un père de famille s'arrête de marcher et se tire une balle en pleine tête, un paysan s'engouffre dans les fourches de sa grosse tondeuse, un conducteur accélère sans raison et s'écrase contre un platane. L'œil se vide et le geste, ultraviolent, s'impose dans l'horreur absolue de sa gratuité. (...)

Lire la suite sur : http://www.chronicart.com/cinema/phenomenes/
Chro
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Chro : Top 10 cinéma 2008

Créée

le 8 avr. 2014

Critique lue 490 fois

1 j'aime

Chro

Écrit par

Critique lue 490 fois

1

D'autres avis sur Phénomènes

Phénomènes
julienl
3

PUTAIN LES BOULES PARIS EST MENACÉ

(Éléments d'intrigue révélés) Non, parce que les films catastrophes en général, ça se passe aux États-Unis. D'ailleurs, celui-là se passe aux États-Unis. Loin de nous. Là-bas, où ils ont des...

le 7 sept. 2011

36 j'aime

3

Phénomènes
moktar
7

Pardon, j'ai aimé

Oui, vous avez bien lu, j'ai mis 7/10 à Phénomènes. Oui j'ai accroché. Oui c'est bizarre comme film. C'est pas super bien joué (Mark Wahlberg toujours aussi ternes en expression, platitude de toute...

le 23 mars 2011

20 j'aime

3

Phénomènes
GigaHeartz
7

Le Sacrifice

Après une Jeune Fille de l'eau bien décriée, Shaymalan semblait cette fois-ci rentrer dans le bon vieux moule qui avait forgé toute sa gloire dans le Hollywood Game. Son démarrage pompeux nous...

le 3 août 2017

12 j'aime

1

Du même critique

Les Sims 4
Chro
4

Triste régression

Par Yann François « Sacrifice » (« sacrilège » diraient certains) pourrait qualifier la première impression devant ces Sims 4. Après un troisième épisode gouverné par le fantasme du monde ouvert et...

Par

le 10 sept. 2014

42 j'aime

8

Il est de retour
Chro
5

Hitler découvre la modernité.

Par Ludovic Barbiéri A l’unanimité, le jury du grand prix de la meilleure couverture, composé de designers chevronnés, d’une poignée de lecteurs imaginaires et de l’auteur de ces lignes, décerne sa...

Par

le 10 juin 2014

42 j'aime

Broad City
Chro
10

Girls sous crack.

Par Nicolas Laquerrière Girls sous crack. Voilà la meilleure façon de décrire Broad City, dernière née de Comedy Central (l'historique South Park, l'excellente Workaholics, etc), relatant les...

Par

le 4 août 2014

30 j'aime

1