Pi
6.8
Pi

Film de Darren Aronofsky (1998)

Les mathématiques de la nausée abondent.

Fissa ça balance sec dans les chaumières drum'n'bassées de la matrice cybernétique. Pi ouvre la voie à l'essence du fiel déliquescent et traîne le spectateur dans sa chute. Parce que le 3,14 farci de petits canards à sa suite choit au profit de ce littérateur des chiffres, qui assomment toute présomption de compréhension de la part du spectateur aplati sur un passage déballé en un peu moins d'1h30. A l'image, les plans sont serrés et syncopés lorsqu'il faut déclarer la folie persistante comme la guerre à l'action ankylosée. Car l'irrégularité de ces scènes bastonne la linéarité des figurations de la vie terne et sclérosée de ce décharné. Superposé, le grain de l'image à l'authenticité confondante est coincé entre les facéties d'un Eraserhead patenté et l'âpre (f)rigidité mécanique d'un Tetsuo. Entre les murs décrépis à la chaux, on capte des bribes d'esthète à la Noé, juste sous l'écorce à peine limée. Si bien que l'intrigue autour de ce génie agité d'un grain partouze le léché à l'obscène et rompt la solidarité avec le fervent défenseur des sciences molles qui l'admire sans vraiment tout saisir, plutôt gésir. Car cet écrivain morbide et scabreux versé à la cause scientifique demeure cerné d'un fatras de distractions toxiques d'autant de pantins les plus aptes à parasiter son intellect désarticulé. Communément éprouvés par le commun des mortels, les plaisirs ne sont pas monnaie courante mais sonnante et trébuchante chez ce monomaniaque de la Bourse. Suivre le cours pour y fendre une brèche exploitable, résoudre des équations insolubles, et abhorrer le soleil et son auréole impérieuse pour avoir tenté de jouer sa vie par la vue sont le lot macabre d'un acharné mu par la névrose. Sûrement pas à prendre au sens littéral, le sens évident est coulé dans le bronze d'un jargon scientifique volontairement technique et obscur. Pi ou peu ou prou comment se jouer des chiffres comme se jouer des mots devant l'œil médusé du témoin à la folie embarquée sous le coude de la caméra. Qui débarque l'autisme de sa réalité pathologique pour en faire un rêve agité de remous cauchemardesques. Une nouvelle expérience de cinéma avare en altruisme mais fondamentalement habité par la valse addictive du démon de la théorie. Et parce qu'on est tous un peu profondément masochistes, on en redemande. Sombre, crétin !

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le 28 janv. 2011

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Adrast

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