"How does it feel to be a decent, respectable married man?"

La mécanique à l'œuvre dans le scénario de ce film noir est à la fois très classique, un peu classieuse et un peu attendue, et avec ses petites zones d'originalité malgré tout. On pense initialement à une histoire de vie paisible et très rangée pour un employé modèle d'une compagnie d'assurance qui se trouve dérangée, justement, par une rencontre avec une femme au charme qui lui est percutant. C'est en grande partie le cas, et André de Toth passe pas mal de temps à décrire la situation idyllique (selon certains standards nord-américains tout du moins) du foyer heureux avec femme et enfant tous deux parfait pour mieux la malmener par la suite, en présentant l'irruption d'une autre femme dans cet univers propre et convenable.

Finalement on dérive vers non pas un triangle amoureux mais vers une configuration un peu différente et plus retorse, avec des relations d'attirance / répulsion entre plusieurs personnages, faisant notamment intervenir un détective en charge de surveiller ladite femme fatale ainsi que son ancien mari actuellement sous les verrous. C'est un film qui est clairement modelé par le code Hays, quand bien même le parcours de production aurait été émaillé par des incidents, certaines personnes du comité de censure ayant trouvé que l'adultère n'était pas suffisamment puni. Selon Madeleine Stowe, "When director DeToth found out, he met with two senior Hays Code members, whom he had selected with care. DeToth revealed that he knew the two were both married and both had mistresses. There were no problems after that".

Lizabeth Scott, avec ses faux airs de Lauren Bacall, est le catalyseur du vacillement du protagoniste, ébranlé dans sa petite vie pépère d'Américain moyen et heureux. Toute l'action est sous le signe de l'explicite, il y a deux bastons froides et rapides quand les deux hommes sont mécontents, avant que la mécanique implacable propre au film noir se mette en branle. Les personnalités s'affirmeront progressivement dans une expression moins stéréotypée que prévue, mais disons que Dick Powell et Raymond Burr ne sont pas les meilleurs arguments de la démonstration. Il manque un peu d'ambiguïté pour rendre la chose vraiment attrayante et singulière.