Plaire, aimer et courir vite se déroule dans les années 90 à Rennes. Arthur, jeune breton - ce détail a de l'importance, vous allez le voir - rencontre un écrivain atteint du sida dont il tombe amoureux. S'en suit une romance surtout épistolaire.
Ce film a été écrit et réalisé par Christophe Honoré, réalisateur français reconnu pour des films tels que Deux amis et Dans Paris qui est... Breton ! Et vient de Carhaix-Plouguer, est né en 1970 tout comme Arthur. Ce film a donc un caractère autobiographique indéniable, ce qui s'avère parfois gênant.
L'identité bretonne du personnage principal ne cesse d'être appuyée. Vraiment. Je suis bretonne, finistérienne même comme ce cher Honoré, et pourtant, ça m'a mise mal à l'aise : qu'on boit du cidre de telle marque, qu'on amène du chouchen à Paris, qu'on ne cesse de nommer le jeune Arthur "le p'tit breton" comme si cela relevait d'une importance capitale, qu'on fait des blagues sur la Bretagne... C'était lourd. Ceci dit, cela relève du détail.
Le reproche que je ferais à ce film, ce sont les références aux goûts, au passé du réalisateur trop appuyés et parfois sans pertinence. Comme pour se faire plaisir. Je comprends ; j'ai apprécié entendre les Cocteau Twins, entrevoir du coin de l'oeil une affiche pour un concert de Suede, groupe majeur de brit pop. Je n'ai pas eu de problème avec ces deux exemples, étant amenés de manière plus ou moins subtile - les plans sur l'affiche de Suede ne l'étant pas tout à fait, je l'avoue - et inscrit l'oeuvre dans son contexte : les années 90. Cependant, les références à X auteurs de littérature, la scène aussi touchante que ridicule où Arthur arpente les tombes de Koltès ou de Truffaut, j'ai trouvé ça superflu. Juste une volonté de se donner un genre "arty", "pédant". La référence à Koltès - dont Roberto Zucco est l'un de mes ouvrages favoris - peut se comprendre, lui-même ayant le sida, cependant, elle est tant appuyée (cf la scène où Arthur annonce son départ et que l'un de ses amis cite Koltès) que cela en devient ridicule. Le film multiplie les références à l'art de manière superficielle, ce qui m'a vraiment gênée. Alors qu'a contrario, Arthur dit vouloir être réalisateur. Or, il ne fait aucune - sauf erreur - référence au cinéma. On ne le voit pas écrire, tourner... Certes, sa rencontre avec Jacques se fait dans un cinéma, mais Arthur suit à peine le film, le jugeant mauvais avant que Jacques le reprenne. Du coup, l'idée qu'il veule à tout prix se mêler au monde du cinéma ne se comprend pas ; sauf si on se doute que Christophe Honoré parle de lui.
Pourtant, j'ai aimé ce film. J'ai été prise d'affection pour cette romance entre les deux personnages, qui s'apportent tant de choses mutuellement. On y croit, alors que Jacques comme Arthur sont volages. Leurs échanges téléphoniques ou épistolaires m'ont émue. Ce film sait faire rire, autant qu'il parvient à susciter les larmes ou le frisson, par une belle esthétique érotique. Après oui, pas d'audace au niveau de la mise en scène, mais restent de beaux plans, sobres et simples (scène de l'hôtel, par exemple).
La relation qui unit Jacques à son ami et voisin journaliste est simple est touchante. Là où le film se fait beau, c'est quand il est sobre et silencieux, qu'il ne palabre et ne parade pas avec des références littéraires ou des pseudos réflexions existentielles vides. Vides, oui. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai pu regarder Dans Paris en entier : voir Louis Garrel, le regard vide, face caméra balancer des banalités, très peu pour moi. Même travers dans La belle personne où les dialogues qui se veulent inspirés, sont creux. Dans Plaire, aimer et courir vite, il n'est pas rare qu'Arthur se veut "philosophe" (guillemets plus que nécessaire) à grands coups de "je suis personne", "on ne sait pas de quoi l'avenir sera fait" et ceci avec une pose lassive. Cependant, ce qui est intéressant, c'est que le personnage de Jacques se moque volontiers du côté nihiliste d'Arthur, comme s'il se moquait du cinéma sérieux et "inspiré" d'Honoré lui-même, enfin, je l'ai perçu ainsi.


Il est aussi question du SIDA et du combat de George contre la maladie. Il voit un ancien amant éteint par la maladie et sent son corps faiblir. J'ai trouvé le traitement de la maladie sans fard ni fioriture. Pas dans le pur pathos. Après, je serais curieuse de savoir si Honoré a vu 120 battements par minute de Robin Campillo. La maladie est présentée d'une manière différente. Dans Plaire, aimer et courir vite, le sida apparaît comme une menace qui se tapit dans d'obscurs recoins et que personne ne comprenait cette maladie. Comme si elle se concernait que les homosexuels qui échangent leur corps dans de sombres ruelles. Peut-être était-ce volontaire pour montrer le regard du début des années 90 sur le sida ?
Aussi, j'aurais voulu en savoir davantage sur Louis ou "Loulou", fils de Jacques et d'une "amie" qui voit tout de même son père s'éteindre à petit feu.


Ainsi, là où le film se montre le plus éloquent, c'est quand il se fait avare de mots. Quand la caméra parle à la place des personnages. Quand la lumière blanche se pose sur eux, montre leurs failles et leurs espoirs. La bande son est magnifique, par ailleurs. Une belle expérience filmique.

Blackfly
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le 16 mai 2018

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Blackfly

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