Et si nous pouvions revoir le film de notre vie ? C’est ce que nous proposent Max Boublil et Anthony Marciano dans Play. Il y a quelques mois surgissait la bande-annonce de ce film très prometteur, qui annonçait un retour dans le passé à travers des témoignages vidéo enregistrés sur une vingtaine d’années. A plusieurs reprises, la sortie de Play a été repoussée, jusqu’à ce qu’il fasse partie des films inaugurant la nouvelle année 2020, et ce, de fort belle manière.


Qui n’a pas, un jour, ou même plusieurs fois, ressenti le besoin de se plonger à nouveau dans son passé, de reconstruire ses souvenirs ? C’est d’ailleurs ce qui m’a mené, par hasard, pendant les vacances de Noël, à retrouver de vieilles vidéos tournées sur mon premier appareil photo numérique, offert pour mes 10 ans, et de me revoir, il y a 16 ans, à faire le mariole dans ma chambre. Alors, voir un jeune Max avoir sa première caméra à 13 ans et faire la même chose établit forcément une connexion, avant de parcourir les différents chapitres de la vie de ce groupe d’amis, qui perdure au fil des années. Des chapitres racontés sous la forme de séquences tournées à la caméra, comme un montage de vieilles vidéos retrouvées sur de vieilles cassettes et que l’on se passe, pour se souvenir.


La promesse de Play est bien d’accompagner de groupe d’amis, de les retrouver pendant leur jeunesse et de les voir grandir, de créer des attaches et, surtout, de nous projeter nous-même dans ces différents personnages qui, forcément, vont nous rappeler des choses que nous avons pu vivre nous-même. Une promesse tenue, car le format adopté, beau, juste et original, confère beaucoup d’authenticité à ce retour dans le passé et redonne vie à ces souvenirs capturés grâce à la caméra. L’image et la spontanéité des situations donnent une réelle impression de pris sur-le-vif, pour nous ramener, le temps d’une séance, dans les années 90 et 2000. Et s’il est vrai que les enfants des années 80, et même ceux des années 90 (dont je fais partie) sont probablement le public le plus à même d’être sensible à Play, il ne s’agit pas juste d’un film générationnel (même s’il l’est), car il se permet de raconter d’autres choses dépassant les simples délires et déboires d’un quadragénaire nostalgique.


Sur la forme, le film vient imiter l’effet « caméra amateur » pour qu’il ait l’apparence d’une succession de séquences filmées qui ont été montées mais, peu à peu, et notamment vers la fin, le souvenir, qui était altéré au niveau de la qualité de l’image, devient bien plus net, et trouble la distinction entre ce dont on se rappelle, et ce que l’on vit. En effet, Play traite du souvenir, cette impression que conserve notre cerveau tant bien que mal, et qui finit toujours par se troubler au fil du temps, et que la caméra a le pouvoir d’immortaliser et de rendre disponible à volonté. Et, ici, les souvenirs reprennent ainsi vie grâce au cinéma, que Play raccroche à la réalité en faisant du septième art le narrateur de notre vie. Le film n’est plus juste un film, il devient la vie. Et, suivant ce schéma, Play fait de la caméra le témoin que se passent les générations, qui se prêtent et s’offrent cet outil que chacun utilise pour immortaliser des moments de vie, et que chacun lègue aux suivants pour qu’ils puissent en faire de même, et écrire leur propre histoire. Ainsi, Play parvient à dépasser le simple exercice de style nostalgique pour réussir à rendre un vibrant hommage au cinéma.


Il est vrai que l’intrigue de Play n’est pas des plus surprenantes, et ce n’était certainement pas son but. Même si l’issue du film paraît évidente, c’est le chemin qui nous y mène qui nous intéresse réellement, et le film d’Anthony Marciano parvient à nous entraîner en nous faisant rire et en nous émouvant. La promesse était belle, l’idée très séduisante, et le résultat, vraiment convaincant. Il est fort possible qu’avoir grandi à la même époque que les protagonistes permette de vivre une meilleure expérience, mais Play est fait pour parler à tout le monde, tant ses véritables sujets sont universels et inter-générationnels. Sur le coup, le film m’a bien plu, et plus j’y pense, plus je le trouve riche et beau. Une preuve, à mes yeux, de la qualité de ce qui est l’un de mes premiers coups de cœur français de cette année, une nouvelle réussite à ajouter à notre cinéma national contemporain.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 12 janv. 2020

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