INT. BAR DÉLAVÉ – NUIT.
Deux verres. Deux types. Un air de blues qui traîne. Les deux hommes sont étrangement seuls.
PORTER (Gibson) (ton froid en tenant son verre de whisky comme s'il n'allait jamais le boire, son flingue posé sur le comptoir)
J’ai vu Play Dirty. Ca m'a rappelé à quel point Kiss Kiss Bang Bang était réussi !
PARKER (Wahlberg) (sourire en coin, un peu bravache)
Hey, t’es dur, vieux. C’est fun, y’a de l’action, des punchlines… un peu de Shane Black dans l’air, non ?
PORTER
Ouais. Dans l’air. Pas dans le film.
On reconnaît sa patte, deux ou trois répliques bien affûtées… mais ç'est aussi utile qu'un couteau dans un film de John Woo.
PARKER (hausse les épaules, jette un œil à la belle espagnole semblant sortir de nul part qui s'enfuit discrètement du bar comme si elle fuyait quelque chose)
Faut dire qu’on n’a pas tous ton charisme de type qui tue des gens avec un rictus. Moi j'ai amené de la légèreté, tu vois ?
PORTER
Ouais. De la légèreté. Mais tu décolles jamais mon gars. T'es juste un ballon gonflé à l'hélium prisonnier d'un enfant gâté.
Le film veut jouer entre la comédie et la brutalité, mais il trouve jamais la bonne mesure.
Un coup on rigole, le plan d’après t’as une exécution froide. C’est pas un rythme, ça, c’est un AVC narratif.
PARKER (rigolant)
T’exagères, mec. Mon duo avec LaKeith fonctionne un peu quand même.
PORTER
Un peu mais franchement on en attendait plus.
Tu te souviens de Downey Jr. et Kilmer ? Crowe et Gosling ? Même moi et Danny ?
Ça, c’étaient des paires qui claquaient. Là vous êtes noyés au milieu d'autres personnages qui n'apportent que le côté comique. J'avoue, votre chauffeur m'a titillé les zygomatiques. Ah et puis ces effets spéciaux ! Ca te pourri ton atmosphère.
PARKER
Bon, j’avoue, les CGI, c’est pas la folie.
PORTER
Pas la folie ? On dirait les cinématiques d'un jeu PS2 sous acide.
PARKER
Mais le scénario a quand même des rebondissements sympas !
PORTER
Ouais. J'avoue.
(il avale enfin une gorgée de son verre et grimace avant de se pencher au-dessus du bar pour haranguer le barman accroupi et tremblotant juste derrière)
Tu pouvais pas me servir un truc plus dégueulasse encore ?
(il termine son verre d'une traite et le claque sur le comptoir, puis saisit son arme et tapote nerveusement le canon sur le bois ciré, comme un avertissement)
Dépêche toi, je perds patience !
PARKER (tente de détendre l’ambiance)
Allez, tu vois ! En fait t’es juste nostalgique. Payback, c’était une autre époque.
PORTER
Non, c’était un autre ton.
Froid, sec, sans paillettes ni surenchère.
Là, tout brille mais c'est une lumière de néon tu vois. Payback, c'était un feu de cheminée un soir de noël.
(silence. Parker regarde Porter, mi-blasé, mi-admiratif)
PARKER
T’as pas aimé, hein ?
PORTER
J’ai pas détesté. Mais tu vois, quand t’appelles ton film Play Dirty, tu promets de te salir les mains. Là, on a plutôt l'impression que c'est du Play Back.
(le barman réapparait brusquement face à eux)
BARMAN (inquiet)
Voici vos 140000$ monsieur Porter.
(il pose un sac de sport sur le bar)
PORTER (levant les yeux au ciel agacé)
70...
(il regarde Parker)
Ca t'intéresse 70000$ ? Tu pourras t'acheter un bon film !