Nous sommes en 2014 et durant une journée comme une autre, dans le métro, je vois une affiche qui m'interpelle. Celle d'un homme habillé d'un imperméable beige, coiffé d'un chapeau avec un parapluie à la main et qui observe à travers une balustrade un plateau de bureaux organisés en cube avec des employés qui s'occupent à leurs affaires.

Je savais que c'était l'affiche d'un film de Jacques Tati, Playtime en l’occurrence, mais sans plus. J'avais du lire quelque part que c'était un ovni du cinéma français et sa ressortie au cinéma m'a intrigué.

Hé ben, j'ai bien fait de m'être déplacé! Je ne connaissais pas du tout le Tati, mais son Playtime, c'est une sacré tuerie, du genre ceux qu ont marqué l'histoire du cinéma de manière indélébile.

Le mec, il avait 30 ans d'avance sur tout le monde, à la fois techniquement, et à travers sa vision de la société urbaine. C'est pas un film ça, c'est un méta-film avec des idées qui fourmillent à chaque plan. Plans qui sont bien entendu soutenus par des cadrages parfaits et sublime, avec un montage millimétré. Mais le point fort du film, c'est surtout ses multiples niveaux de lectures, dès les premiers plans dans l'aéroport, le cerveau prend cher, il y a des gags dans les 4 coins de l'écran, au premier plan, à l'arrière plan, au centre, impossible d'en lâcher une miette tellement ça fourmille d'idée de partout, et c'est pratiquement comme ça durant 2 heures, l'exercice de synchronisation entre tous les acteurs qui sont dans le cadre est d'une précision diabolique. Le travail sur le son est tout aussi exceptionnel, il n'y a pratiquement pas de dialogues audibles, c'est littéralement du son ambiant, avec des paroles morcelés et mâchées, on entend à peine les personnages, mais on comprend ce qu'ils expriment, c'est une certaine forme de cinéma universel, parce qu'il n'a pas besoin de doublage ou de sous-titres, il est comme ça, entier, global, et sans aucun cloisonnement culturel.

Et ce Jacques Tati, il avait un sacré oeil : les open space et la bureaucratie qui broie l'humain dans une organisation désincarnée, il l'avait déjà anticipé. Les camions de touristes qu'on trimbale d'un aéroport aux grands magasins, c'est également déjà là. Mais cette déshumanisation et ce rythme effréné n'est pas dénoncé avec violence et mépris, mais avec humour et vaudeville. Le personnage de Monsieur Hulot (inspiré du grand père de Nicolas Hulot, véridique!), tel un John McClane, il est le petit grain de sable qui va venir semer le trouble et apporter son lot de situations cocasses et absurdes à travers sa gaucherie et sa maladresse, et nous emmène dans un gros foutoir jouissif dans la fameuse scène du grand restaurant (nan mais le gag avec le portier, c'est juste méga mortel). L'univers de ce Tativille n'appartient pas à un passé révolu, pas plus qu'un présent alternatif et encore moins d'un futur probable. Non, ce microcosme est à la croisée de toutes ses temporalités en même temps, une ville hors du temps désincarnée qui arrive malgré tout à faire naître l'étincelle nécessaire à la naissance d'une humanité qui doivent apprendre à vivre ensemble.

J'en suis sorti avec la banane, et j'ai du mal à croire que ce film date de 1967 tellement il est moderne (tout comme un 2001, Odyssée de l'Espace tiens).

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le 26 juil. 2014

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NonoDarko

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