Approfondir et de complètement réinventer l’histoire originale

Condamné. D’une certaine façon, ce remake de Point Break était dès le départ condamné. Soulevant un tonnerre de lamentations dès l’annonce de sa mise en chantier (comme bien souvent, on se souvient notamment des réactions haineuses à l’annonce des deux derniers interprètes du Joker ainsi que de Ben Affleck dans le rôle de Batman), le film sort désormais quasiment dans l’indifférence générale, n’ayant ni la promo ni les grands noms qui font bien.


Bien évidemment, on est tous d’accord sur le fait que le film de 1991 ne justifiait pas d’un remake à l’heure actuelle : encore relativement récent, Keanu Reeves, l’un des deux interprètes principaux (avec le regretté Patrick Swayze), est encore au sommet de sa popularité (John Wick). Pourtant les studios en ont décidé autrement, et bien évidemment, vous avez la possibilité de le boycotter ou de lui laisser une chance, puis d’en sortir conquis ou déçu. J’ai personnellement grandement apprécié mon expérience Point Break 2016, et je m’en vais de ce pas vous expliquer pourquoi, en grand défenseur des causes perdues et modeste rétablisseur de torts.


Deuxième réalisation pour le cinéma d’Ericson Core (Invincible avec Mark Wahlberg, également directeur de la photographie sur Fast and Furious), le film met en scène deux jeunes acteurs dans les rôles désormais cultes de Johnny Utah et Bodhi : l’australien Luke Bracey, aux airs de Heath Ledger, aperçu dans The November Man et G.I. Joe : Conspiration, et le Vénézuélien (qui partagera sa nationalité avec son personnage) Edgar Ramirez (Joy, La Colère des Titans).


Pour le speech : alors qu’un gang de braqueurs se sert de ses compétences athlétiques pour mettre à mal l’équilibre des marchés financiers mondiaux, un jeune agent du FBI et ancienne star du moto-cross, Johnny “Utah”, y reconnait “les 8 d’Ozaki”, une série d’épreuves défiant les forces de la nature et considérées comme (presque) impossibles, Ozaki lui-même étant décédé en tentant de les accomplir. Grâce à son expérience passée, Johnny est chargé de retrouver et infiltrer le gang pour déjouer leurs projets.


Luke Bracey campe un Johnny Utah sur le chemin de la repentance, son irresponsabilité (ou plutôt son côté casse-cou) ayant entrainé la mort d’un partenaire de moto-cross. Il cherche dans le FBI une “structure”, quelque chose de différent et loin de son passé de sportif (même s’il est finalement forcé d’y replonger). Utah, loin du jeune premier joué par Keenu Reeves, est fort et déterminé, et ne cède finalement vraiment à aucun moment à la philosophie de Bodhi, malgré l’amitié évidente qui se lie entre les deux personnages. Bodhi a quant à lui l’aura d’un véritable gourou, un certain charisme viril doublé d’un côté mystérieux, et à juste titre : si certains reprochent le manque de “bromance” du film (pourtant à peine plus court que l’original), et si la complicité s’installe pourtant de façon évidente, doublée d’un respect mutuel (Utah avait déjà une certaine célébrité dans le milieu), [SPOILER] Bodhi sait depuis le début que Utah est un infiltré, d’où la réserve palpable, et s’il l’a laissé faire son bout de chemin avec lui ce n’est que parce qu’il avait l’espoir de lui ouvrir les yeux, le gagner à sa cause, ce qu’il ne parviendra pas à faire. [FIN DU SPOILER].


La grande force du film, c’est d’approfondir et de complètement réinventer l’histoire originale. On connait le passé de Johnny Utah (Utah étant d’ailleurs ici son nom de scène en tant que pilote et non plus son vrai nom), on connait bien mieux les motivations des braqueurs, qu’il est d’ailleurs presque injuste d’appeler ici braqueurs, puisque loin de se contenter de simplement jouer les Robin des Bois, leurs actions visent avant-tout à “rendre à la Terre” ce que l’homme lui a volé. Ainsi chaque défi, chaque challenge, est autant une action de dépassement personnel que de justice et de communion avec les forces de la nature. Quelle bonne idée également que de délocaliser une partie de l’histoire à la montagne, nous offrant de magnifiques panoramas inattendus, loin des plages de Californie pour une tout autre ambiance.


6 paragraphes et je ne vous ai pas encore parlé des scènes époustouflantes de sports extrêmes auxquelles beaucoup aiment à résumer le film ? Venons-y : jamais vous n’aurez vu des vagues aussi impressionnantes, des descentes en snow aussi dangereuses, des scènes d’escalade à vous donner réellement le vertige, grâce à une 3D qui, pour une fois, sert donc à quelque chose ! Le sous-titre du film original n’était-il pas “Extrême Limite” ? Les rééditons Blu-Ray n’aiment-elles pas à s’appeler “Pure Adrenaline Edition” ? De ce côté-là, ce remake vous en mettra plein la vue et il serait totalement injuste et injustifié de lui en vouloir pour ça, de nous offrir ce que les moyens de l’époque ne pouvaient achever, de nous offrir la seule chose qui pouvait justifier son existence. Le tout en cascades réelles (mis à part la scène de chute de rochers – seule cascade un peu trop abusée à mon goût), à l’heure du tout numérique, je leur tire mon chapeau.


Finalement, la seule scène qui m’a un peu déçu, c’est la fin. Se voulant à la fois très fidèle et en même temps différente de celle du film original, il aurait peut-être mieux valu en faire moins (l’arrivée en hélicoptère me semble un peu too much). En 1991, Keanu balançait son badge du FBI dans les vagues, en 2016, Luke est heureux de recevoir le sien. Pourtant, si le personnage de Utah est diamétralement différent d’une version à l’autre, le film se termine en nous permettant le doute : de retour dans son état de l’Utah, Johnny s’apprête à descendre une montagne en snowboard. Tombé de rideau.


Point Break 2016 est, à l’instar de Point Break 1991, un film avec ses qualités et ses défauts, mais dont le principal restera clairement son titre. Il est évident qu’il aurait souffert de beaucoup moins de bashing (et ce avant même sa sortie, et ça, vraiment, il n’y a rien de plus révoltant) s’il n’était pas affilié à un film devenu culte au fil des ans. Je n’essaierai pas de vous faire croire que l’histoire est un profond plaidoyer en faveur de l’écologie ou encore un sombre thriller d’infiltration à la Infernal Affairs (le film original n’était d’ailleurs lui non plus aucun des deux), juste l’un des films les plus agréables qu’il m’ait été donné de voir récemment, ou les deux heures passent en un claquement de doigts sans que l’on s’en rende compte, avec des acteurs jeunes mais charismatiques et prometteurs, où l’on s’amuse à voir et chercher les différences avec le film original (il y a de la place pour les deux voyons !), et où l’on reste scotché à son siège devant la beauté des paysages et les cascades de folie. Le tout en se permettant d’en dire un peu plus que le film original. Contrat parfaitement rempli en ce qui me concerne.

Créée

le 26 août 2016

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