Je ne peux pas dire que le film en soi soit vraiment mal fagoté, ni mal filmé, ni mal interprété, ou que Russell Crowe démérite à l'écran ou comme réalisateur. Le prologue est plutôt prometteur, d'ailleurs. Le personnage principal, monolithique, manipulateur, déchiré et désespéré, aurait pu, dans une autre histoire, être quasiment shakerspearien. Mais dans une autre histoire seulement, parce que celle-ci a échoué à provoquer chez moi le moindre frémissement d'intérêt une fois les mobiles de chacun dévoilés, ce qui arrive finalement assez vite et de manière assez maladroite. Bon, au moins le film est-il court, ce qui peut expliquer la manière dont les rebondissements sont expédiés. C'est juste, pour tout dire, que j'ai trouvé le prétexte un peu bête : un milliardaire met ses amis à l'épreuve du poker pour tester leur loyauté au moment où il envisage de leur léguer des tas de trucs. Sauront-ils se montrer dignes de sa prodigalité ? Pour le savoir, il commence par les (attention spoiler) empoisonner ! Radical et plutôt enfantin, comme ressort, non ? Dans le sens où, comme les enfants, le héros se joue avec cruauté de la peur viscérale de ses proches devant leur propre mortalité. Il se dit que c'est pour la bonne cause, et c'est là qu'il me perd : la bonne cause, des millions de dollars ? Il est américain ou quoi ? Ah, oui, c'est pour ça. Décidément, l'argent leur aura fait faire, écrire et penser n'importe quoi à ces pauvres américains adultes (en apparence). Comme si l'infinie richesse distinguait certains humains parmi les autres et leur conférait pouvoir et sagesse. N'importe quoi. De droit divin, en prime. Énervant, non ? Toujours est-il que notre nabab, champion d'un certain goût qui n'a rien pour me plaire (grosse villa d'architecte défigurant une côte sauvage, cave à vin high tech dissimulant un alcoolisme qui ne dit pas son nom par snobisme, employés de maison jeunes et bien faits, aussi utiles que décoratifs, surfaces lisses immaculées de tous les côtés, et, surtout, chefs d’œuvre de la peinture européenne soustraits aux yeux du plus grand nombre pour le seul bénéfice d'un esthète se piquant d'élégance intellectuelle...) est un peu pris à son propre jeu quand de vrais méchants (si caricaturaux - bêtes, méchants, ricanants, avides, envieux et postillonnants - qu'on caresse soudainement le projet de se lancer dans un peu de ménage pour passer à n'importe quoi d'autre) font irruption dans son scénario bien huilé de malade de la tête et menacent sa petite famille, pas si parfaite que ça. Cerise sur le gâteau, la voix off qui philosophe benoîtement à la fin pour nous asséner une morale niaiseuse qui achève d'exaspérer. Bref, j'ai pensé à Les traducteurs, souvent, à Millenium, parfois, mais aussi à Cinquante nuances de Grey, et ça, ça disqualifie complètement.

Créée

le 25 avr. 2024

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