Porco Rosso est un film d’aviation — un univers que Miyazaki aime passionnément depuis l’enfance. Chaque avion du film est inspiré de modèles historiques. C’est une véritable lettre d’amour aux années 1920-1930, époque où les avions étaient encore des créations artisanales et les pilotes, des casse-cou prêts à risquer leur vie. Miyazaki nous régale de magnifiques plans dans les airs!
Mais Porco Rosso, c’est aussi l’histoire d’un homme désabusé, qui s’est retiré du monde des humains et qui est devenu un « cochon », sans qu’on sache jamais vraiment quel sort s’est abattu sur lui. On comprend que ce sort, il se l’est infligé lui-même. Il ne croit plus en grand-chose, mais il se laisse encore toucher par l’innocence et l’élan de la jeunesse, incarnés ici par le personnage de Fio. Ce cochon, c’est peut-être moins une malédiction qu’un regard que Porco pose sur lui-même — et peut-être sur notre humanité quand elle se replie, blessée, sur ses désillusions.
Le film commence par la découverte de l’île où Porco Rosso s’est isolé. C’est son refuge, qu’il n’aime quitter que pour voler à bord de son magnifique hydravion rouge. Mais très vite, il est forcé de quitter sa cachette — et nous avec — pour se retrouver embarqué dans des aventures trépidantes.
Comme toujours chez Miyazaki, son itinéraire croise des personnages hauts en couleur, bien trempés, finement caractérisés :
Gina, qui se languit d’amour pour ce « cochon » qu’elle a connu sous sa forme humaine. Personnage mélancolique, tourné vers le passé, mais qui garde l’espoir qu’un jour Porco Rosso saura répondre à son attente.
Fio, l’adolescente débrouillarde, courageuse, bricoleuse, intelligente et énergique, qui s’impose à Porco Rosso — et heureusement pour lui, car elle lui sauve la mise, et même la vie !
Les pirates de l’air, vieux briscards cabossés par la vie, à l’affût des bons coups.
L’Américain Curtis, pilote flamboyant, fanfaron et sûr de lui… mais sans grand succès.
Et bien d’autres encore, à tous les âges, jusqu’aux « mémés » pour lesquelles Miyazaki a toujours un coup de cœur.
Mais le personnage le plus caractérisé, c’est bien sûr ce bougon au grand cœur qu’est Porco Rosso. Il occupe une place à part dans la filmographie de Miyazaki : le cinéaste s’y est projeté, en a fait une forme d’alter ego. Depuis des années, il avait pris l’habitude de se représenter lui-même en cochon, et son atelier s’appelle d’ailleurs « Chez le cochon ».
« Porco Rosso est né à un moment de grande crise internationale. Il est naturel d’être influencé par les tensions politiques et économiques. Lorsque j’ai commencé “Porco Rosso”, qui se déroule en mer Adriatique, la guerre éclatait en Yougoslavie. Cela a influencé le film. » — Miyazaki
« J’ai eu une sorte de prise de conscience en réalisant Porco Rosso. Quel que soit le degré de chaos, nous n’avons pas d’autre choix que de continuer à vivre. » — Miyazaki
Comme Porco Rosso, emporté malgré lui par l’élan de la vie, Miyazaki choisit de continuer à créer, à rêver et à raconter des histoires.
La fin du film entrouvre une porte sans rien imposer, mais l’espoir est permis.
Le film jongle avec légèreté entre humour burlesque, nostalgie et envol poétique. On y rit, on y rêve, mais sans jamais perdre de vue l’ombre qui plane dans les arrière-plans.