Sur le papier, faire de Gérard Philipe un Don Juan provincial à la conquête des jeunes parisiennes qui tombent invariablement sous son charme censé être irrésistible et vénéneux a quelque chose de presque invraisemblable... En tous cas lorsqu'on a en tête ses personnages de gentils benêts tels que ceux de Juliette ou la Clé des songes ou Une si jolie petite plage. Mais de manière tout aussi surprenante, Julien Duvivier en fin de carrière est parvenu avec une crédibilité presque immédiate à en faire un homme doté d'un grand pouvoir de séduction et d'une aisance en affaire toute naturelle. Deux qualités qui lui ouvriront très vite les portes de la bourgeoisie de Paris et qui lui permettront de gravir l'échelle sociale avec une vitesse peu commune.


Dans cette adaptation de Zola, Duvivier s'en donne à cœur joie dans le registre de la comédie bien caustique pour souligner l'impressionnant tissu de bassesses et de compromissions qui semble être parfaitement homogène. Il prend un malin plaisir à montrer toute l'hypocrisie disséminée dans ces hautes sphères et au sein de cet immeuble magnifiquement bourgeois. Deux particularités notables dans Pot-Bouille : la férocité de la description de ce microcosme, aidée en cela par des dialogues souvent acérés, et la liberté de ton exquise pour accompagner les coucheries et autres infidélités littéralement omniprésentes. Des seins, des fesses, des maitresses connues des épouses résignées, le tout enveloppé dans un humour du portrait vraiment délectable.


Au milieu de tout ça, Gérard Philipe en arriviste remarquable qui se sert de ses conquêtes féminines comme autant de marches dans l'escalier de la réussite sociale, pour se frayer un chemin dans la jungle du monde du commerce petit bourgeois. Le portrait qui en est fait est assez peu flatteur, tant l'absence de sens moral semble prévaloir tacitement, mais le cynisme quant à la nature humaine est constamment contrebalancé par cet humour satirique un poil piquant. Le plus drôle dans cette histoire étant sans doute la communication invisible entre le séducteur carnassier et ses proies, tous baignant dans le même intérêt égocentrique.


http://je-mattarde.com/index.php?post/Pot-Bouille-de-Julien-Duvivier-1957

Créée

le 10 août 2020

Critique lue 556 fois

13 j'aime

2 commentaires

Morrinson

Écrit par

Critique lue 556 fois

13
2

D'autres avis sur Pot-Bouille

Pot-Bouille
JeanG55
8

Les femmes, "au bonheur des dames", c'est mon rayon

Pot-Bouille, voici un exemple de film tiré d'un roman – connu – d'un auteur connu, Zola - que je n'ai pas lu. En fait, j'aime beaucoup le film que je trouve jubilatoire à travers une peinture au...

le 14 juin 2022

9 j'aime

6

Pot-Bouille
Val_Cancun
8

Orgueil et préjudice

Adaptation fidèle du roman de Zola par Julien Duvivier, magnifiquement dialogué par Henri Jeanson, qui signe nombre de répliques acérées et souvent très drôles. Le terme "pot-bouille" étant synonyme...

le 30 juin 2018

8 j'aime

Pot-Bouille
Chicago
7

La fidélité est un vilain défaut !

C'est une comédie qui met en relief l’hypocrisie et les mesquineries de la vie bourgeoise au XIXe siècle. Le ton est particulièrement caustique, servi par les dialogues vifs et parfois féroces...

le 16 déc. 2020

3 j'aime

Du même critique

Boyhood
Morrinson
5

Boyhood, chronique d'une désillusion

Ceci n'est pas vraiment une critique, mais je n'ai pas trouvé le bouton "Écrire la chronique d'une désillusion" sur SC. Une question me hante depuis que les lumières se sont rallumées. Comment...

le 20 juil. 2014

142 j'aime

54

Birdman
Morrinson
5

Batman, évidemment

"Birdman", le film sur cet acteur en pleine rédemption à Broadway, des années après la gloire du super-héros qu'il incarnait, n'est pas si mal. Il ose, il expérimente, il questionne, pas toujours...

le 10 janv. 2015

138 j'aime

21

Her
Morrinson
9

Her

Her est un film américain réalisé par Spike Jonze, sorti aux États-Unis en 2013 et prévu en France pour le 19 mars 2014. Plutôt que de définir cette œuvre comme une "comédie de science-fiction", je...

le 8 mars 2014

125 j'aime

11