Quelques années après l’incontournable Les sentiers de la Gloire de Kubrick, Losey tourne aussi dans les tranchées de la 1ère guerre mondiale. Or Losey nous prend de court : après un très beau générique sur les monuments aux morts suivi d’un fondu enchaîné opposant les statues, lieux de mémoire et les corps avalés par la boue, voués à l’oubli, après avoir donc d’emblée démontré la vanité de la guerre, il se détourne du film de guerre ou du film à thèses pour tourner un film de procès, dans un contexte bellique.
À travers ce procès du déserteur, Losey ne cesse cependant pas de vouloir démontrer l’absurdité et la perversité d’un système où la mort est devenue banale, car omniprésente, au point qu’on tue quelqu’un sous prétexte qu’il veut la fuir, et ce même s’il fait partie du même camp, sans grand regret ni longue tergiversation. Seul le capitaine Hargreaves y verra une cause à défendre au milieu des indifférents blasés par la mort. Mais si Dirk Bogarde est convainquant, son personnage, lui, l’est moins : son long plaidoyer n’émeut guère, donnant l’impression d’avoir déjà été maintes fois prononcé, le capitaine semblant le dire par acquit de conscience ou par déontologie plus que par intime conviction, si bien qu’il finit par céder assez facilement face au code militaire, le procès finissant par être assez grotesquement conclus pendant que les soldats s’amusent à parodier avec un rat ce jugement dans une des meilleures scènes du film. Or le film repose sur l’opposition entre ces deux camps, opposition d’une assez pauvre intensité puisqu’au fond, tout le monde s’en fout – si ce n’est le docteur qui ne veut pas qu’on le prenne pour un incapable.
Malgré un scénario assez frêle et des dialogues manquant de conviction, Losey affirme toutefois son art de la mise en scène, son sens du décor et du cadrage, sa capacité à diriger des acteurs et à créer des ambiances.