C'est dit, depuis le temps que je dois le faire, j'attaque "la trilogie du dollar" par le premier opus dans l'ordre chronologique (1964).

C'est un film que j'ai vu il y a longtemps à une époque où je découvrais de façon plus systématique le cinéma dans les années 75. Je connaissais peu le western américain à part, évidemment, quelques très grands classiques de Ford ou de Hawks qui passaient à la télé (sans d'ailleurs les relier à leurs réalisateurs – je parlais plutôt de films de John Wayne ou de James Stewart et non du cinéaste comme je fais aujourd'hui). À cette époque, on ne parlait plus que des westerns spaghetti ou des westerns américains genre Peckimpah qui avaient occulté tout un pan du cinéma.

Je ne sais plus par quel western italien j'ai commencé mais ce que je peux dire, c'est que mon opinion a évolué plutôt négativement au fur et à mesure que je découvrais les westerns américains des années 40 – 50 et que j'étais en mesure de mettre ces films italiens en perspective avec la signification profonde des westerns classiques.

Justement, parlons de ce premier opus "Pour une poignée de dollars" qui est un bon moyen d'éclairer mon propos.

Je ne m'étendrai pas sur l'inspiration prise par Leone dans un film de Kurosawa, "Yojimbo", sinon pour dire, rétrospectivement, que c'est assez évident ; c'était dans la définition même du Ronin, le samouraï sans maître, que puisait le personnage "sans nom" interprété par Eastwood. Sauf que chez Kurosawa, ce type de samouraï repose sur une tradition et un fond historique. Qu'il n'y a pas dans le film de Leone.

Ce qui me frappe aujourd'hui dans "pour une poignée de dollars", c'est finalement un certain vide (scénaristique) qu'il y a derrière une belle musique, une belle mise en scène et de la bagarre et du massacre. Sorti du générique (sur fond rouge, sous forme animée et sonore qui dit bien ce qu'on va voir, des duels et encore des duels), la musique force l'attention sur le moindre geste des acteurs soulignant un regard, un lever de paupière ou de chapeau … Certains thèmes musicaux sont dédiés à un personnage tel un leitmotive.

Le scénario évoque un village avec deux familles les Baxter et les Rojo (comme la couleur dominante du générique) qui se font la guerre, on ne sait plus trop pourquoi. Un homme, sans nom, inconnu arrive au village et se met au milieu et soutire un max de fric aux uns et aux autres avant de les éliminer.

"Deux chefs pour un seul village et moi au milieu"

Parce que les éliminer d'abord sans toucher de fric, c'était idiot et ça ne l'aurait pas fait. On retrouve d'ailleurs ce trait dans le futur "impitoyable" (1992) que je n'aime pas. Faire le bien, ok, mais si on se fait payer.

L'autre aspect que je n'aime pas dans ce film particulièrement, c'est l'aspect parodique qui est une constante du western spaghetti. C'est violent mais on se bidonne. C'est comme si c'était pour du faux. C'est un enjeu d'ailleurs pour ce "nouveau" cinéma, de ridiculiser ce qu'il y avait avant.

Au final, on a un film indéniablement séduisant car la mise en scène et la musique sont quand même assez formidables et particulièrement en osmose.

Mais sur le fond, on n'est plus que dans un monde de violence voire de sadisme où le spectateur attend sa dose de morts brutales (mais si esthétiques !) ou de pendaisons. Il sera bien servi. Une représentation nihiliste du Far West.

PS : note et analyse peuvent évoluer au fur et à mesure des visionnages des deux autres opus


JeanG55
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le 5 déc. 2023

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