Dans la jungle sud-américaine, un monstre sur-armé, expert en camouflage et venu de l'espace, affronte une bande de monstres sur-armée, experte en camouflage et venue des États-Unis. Convaincus d'être foncièrement différents au point de ne pouvoir échapper au conflit, les adversaires partagent en réalité une culture commune : culte de l'agressivité, instinct de chasseur, froide indifférence à la mort donnée, communication et reflexion minimale, réactions reflexes surdéveloppées. Tous massacrent du rebel sandiniste à la douzaine avec le même détachement naturel et le même soucis du rendement sans que ne soit jamais explicitée leur motivation profonde. L'un des américains est significativement présenté comme un être frustre doté d'une sorte de flair animal, ne sortant de son silence que pour émettre, sans regard pour son interlocuteur, des phrases de deux ou trois mots au plus, quatre quand un développement est nécessaire. La bande son des trente dernières minutes du film n'est plus composée que de rugissement, de cris et de borborismes, renforçant la symétrie des comportements dans la lutte à mort qui les oppose. A mesure qu'une certaine familiarité se développe entre les soldats et le monstre, leur capacité à s'exprimer suit donc un chemin dramatiquement inverse, qui laisse présager un dénouement inévitablement fatal. Contrairement aux Aliens de Ridley Scott, le Predator est un être disposant d'une technologie avancée, tandis que les soldats américains mettent en oeuvre une panoplie d'armes tout aussi raffinée, comprenez « du lourd ». Le message est clair : l'élitisme d'une civilisation se mesure aux armes de destructions qu'elles exhibent, la taille du canon et la dévastation des explosions provoquées faisant l'objet de comparaisons démonstratives. Une scène très drôle et richement symbolique, quoique à faire frémir un militant Vert, montre les américains tirer avec tout leur arsenal sur leur adversaire sans autre réussite que de le blesser légèrement, tout en déforestant littéralement toute la zone de tir. La jungle, rasée, supporte seule les frais disproportionné des progrès de la guerre moderne. Pourtant, le règlement de compte final entre l'élite de chaque espèce, est un retour aux luttes des premiers ages, chacun se dépouillant de leurs armes, de leurs prothèses et de leurs habits, la victoire sur le monstre étranger étant obtenue au moyen d'un piège primitif inspiré de ceux que hourdissaient les néandethaliens sur le passage des mammouths. Vanité des civilisations, on l'aura compris... Le film conserve superbement son mystère en refusant jusqu'à la dernière minute un début de réponse aux questions cruciales qui taraudent jusqu'à la fin le spectateur : pourquoi tant de haine ? La connerie est-elle universelle ?
frmartin
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le 24 mai 2014

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