Il est évident que la franchise Predator n'a jamais brillé de la même aura que celle de sa plus proche cousine, Alien. La réception mitigée du pourtant très bon Predator 2, en 1990, aura durablement condamné la saga sur grand écran. Et si le chasseur extra-terrestre eut encore tout loisir de traquer ses proies dans nombre de comics, jeux et divers cross-overs, il faudra attendre 2003, et le calamiteux Alien vs Predator, pour retrouver enfin les guerriers Yautjas à l'écran.
Il y eut pourtant une tentative notable durant les années 90. En 1994, alors qu'il prépare son Desperado, Robert Rodriguez est engagé par la Fox pour écrire le traitement d'un Predator 3, censé être suffisamment intéressant pour convaincre Schwarzenegger de rempiler dans le rôle de Dutch Schaeffer. Passionné par le film de John McTiernan, le réalisateur et scénariste mexicain rêve alors d'un grand film de SF ambitieuse et ne tarde pas à faire parvenir toutes ses idées à la Fox. Dans son traitement de l'époque, Dutch Schaeffer était enlevé par les guerriers Yautjas et emmené sur leur planète où il devait à nouveau faire ses preuves dans une arène dédiée à voir s'affronter les proies les plus dangereuses, humaines ou non, des predators. Le verdict de la Fox sera à l'époque sans appel : intéressant mais trop coûteux au vu de la rentabilité du titre. Le scénario sera rapidement oublié au fond d'un tiroir tandis que Rodriguez s'en ira filmer mariachis flingueurs, frangins sociopathes en cavale, gamins espions et citadins pêcheurs.


C'est à la fin des années 2000, après le bide bien mérité d'Aliens vs Predator : Requiem, que le studio s'intéresse à l'idée de mettre en chantier un troisième opus de la saga Predator et se tourne naturellement vers Rodriguez. Hors de question cependant de reprendre son script de l'époque, beaucoup trop coûteux, même après quinze ans de blockbusters produits à la chaîne. Le réalisateur rédige alors un nouveau traitement où il recycle quelques-unes de ses idées de l'époque et en délègue l'écriture finale aux scénaristes Alex Litvak et Michael Finch. S'il a longtemps rêvé de réaliser lui-même ce troisième opus, Rodriguez renoncera tout de même à le mettre en scène pour se consacrer à la réalisation de sa parodie grindhouse Machete, projet qui lui tient encore plus à coeur. Néanmoins très impliqué dans la production de Predators, il déléguera sa réalisation au hongrois Nimrod Antal dont le premier long-métrage Kontroll lui avait fait forte impression. Déjà rompu à l'exercice du film d'action (il réalisa auparavant Blindés), Antal s'acquittera de sa tâche, non sans devoir composer avec les directives invasives de son producteur. Predators sort en 2010 et, s'il n'attire pas les foules, renfloue suffisamment les caisses pour rassurer les financiers de la Fox.


A peine réveillé, Royce constate qu'il est dans la merde. Il se découvre en pleine chute libre, parachuté au-dessus d'une jungle dont il ignore tout. Très vite, ce mercenaire américain, rompu à l'exercice de la survie en territoire ennemi, découvre qu'il n'est pas le seul à avoir été balancé dans la zone. Plusieurs individus armés, parfois encore inconscients, atterrissent ou s'écrasent dans les environs. Il est bientôt confronté à plusieurs d'entre eux, tous de nationalités différentes, et ignorant eux aussi les raisons de leur présence à cet endroit. Alors qu'ils font route ensemble, ils découvrent rapidement l'impensable : la planète où ils se trouvent n'est pas la Terre. Qui plus est, un d'entre eux perçoit une présence qui les observe, à mesure qu'ils s'enfoncent dans la jungle. Ils sont bientôt pris en chasse par des créatures quadrupèdes et particulièrement véloces, les traquant comme des chiens affamés coursant du gibier. Les mercenaires arrivent à en abattre plusieurs, puis voient les dernières créatures faire demi-tour quand un mystérieux sifflement se fait entendre au loin. Pour Royce, il devient alors évident que lui et ses compagnons d'infortune sont devenus les proies d'un chasseur inconnu.


Le point de départ de Predators, aussi intrigant que prometteur, semble renouer avec la dimension purement guerrière du film de MacTiernan. S'il est évident que le postulat recycle quelques idées du scénario imaginé à l'époque par Rodriguez (héros militaire sur une planète inconnue, confrontation avec d'autres tueurs, plusieurs extra-terrestres), on pourra aussi déceler quelques références aux comics Predator (les différentes castes de guerriers Yautjas). Le film de Nimrod Antal gagne ainsi beaucoup à vouloir enrichir la mythologie du chasseur alien dont il approfondit les rituels d'initiation et la hiérarchie martiale. L'occasion de découvrir un nouveau type de predator, le guerrier alpha, particulièrement redoutable, tant pour les proies qu'il traque que pour ses congénères qu'il pourrait juger trop faibles et donc indignes de la race de chasseurs qu'ils représentent. Le discours reste ainsi le même que celui du premier film (l'homme le plus dangereux devenant la proie d'un chasseur plus redoutable encore) et tourne autour de l'individualisme de son personnage principal, Royce n'étant montré, par son attitude égoïste et méprisant, que comme le parfait pendant humain de la créature qui le traque. Le lion n'a donc plus ni la musculature, ni la mâchoire carrée de Schwarzenegger, mais la carrure plus sèche et longiligne d'Adrian Brody, ici plutôt convaincant dans un rôle à contre-emploi. Plusieurs autres comédiens de talents (Alice Braga, Walton Goggins, Mahershala Ali, Topher Grace), lui embrayent le pas, tous relégués à l'incarnation de simples caricatures. Du yakuza mutique au tueur de cartel mexicain (l'incontournable Danny Trejo), en passant par le criminel de guerre africain, le colosse russe à la gâchette facile, le bagnard multi-récidiviste et la sniper du Mossad, tous incarnent de parfaits stéréotypes meurtriers censés représenter le pire de l'espèce humaine. On croisera aussi Laurence Fishburne le temps d'une brève accalmie, l'acteur jouant ici un survivant rendu fou par l'isolement et dont le rôle avait au préalable été pensé pour Schwarzenegger ou Danny Glover.


Divertissant sans être transcendant, Predators peut s'apprécier pour ses quelques idées novatrices et ses (trop) nombreux clins d'oeil au film original. C'est aussi à ce dernier endroit qu'on pourra durement l'attaquer. A l'instar d'un Terminator Renaissance qui révélait une authentique volonté d'innovation tout en restant désespérément rivé à son modèle (T2), Predators n'arrive jamais à s'affranchir suffisamment du film de McTiernan pour exister autrement que comme une simple suite hommage à destination des fans. Il devient dès lors difficile d'apprécier autant de références (comme le sacrifice du yakuza renvoyant à celui de Billy dans le premier film) quand ceux-ci sont aussi évidents. En clignant de l'oeil constamment aux événements de Predator, les scénaristes en oublient de crédibiliser leur propre intrigue et à proposer de la sorte quelque-chose de plus original. En ce sens, Predators annonçait déjà il y a dix ans, la maladie des remakes et revivals modernes, qui à force de citer continuellement les grands moments de leurs modèles, en désamorcent tout l'intérêt de leur propre intrigue (et ce n'est certainement pas les derniers Star Wars, véritables copier-coller de la première trilogie, qui prouveront le contraire). Predators se situe donc à mi-chemin entre la suite respectueuse et le semi-reboot sans surprises, et plombe ses quelques bonnes idées par une succession de clichés et de clins d'oeil trop appuyés pour convaincre. L'intrigue reste trop prévisible, y compris dans la révélation du plus fourbe de ses protagonistes, et s'achemine platement vers un final expédié dont la fin ouverte restera à jamais sans réponse. On est ici très loin de la puissance guerrière du premier film et des audaces stylistiques du second, d'autant que la réalisation d'Antal n'arrive jamais au niveau de celle de ses prédécesseurs. Mais bon, ça reste toutefois suffisamment appliqué pour préférer ce troisième opus à celui, complètement raté, de Shane Black.

Buddy_Noone
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le 2 avr. 2020

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Buddy_Noone

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