Est-ce que je ne serais pas en train de virer vieux con? Je crains que ce ne soit que trop vrai. Cela fait maintenant quelques temps que je vais chaque année au Cinémed voir trois à cinq films durant le festival et sur cette séance je n'ai pu m'empêcher d'être irrité par de ces comportements qui m'ont fait déserter les multiplexes depuis belle lurette. Je ne m'attendais pas à voir pareille attitude dans un festival destiné a priori à des cinéphiles. Ou alors je suis devenu un vieux con grincheux. D'abord, j'ai été perturbé par un connard devant moi qui tripatouillait le papier mâché de sa barre chocolatée, puis par le cliquetis d'une ouverture de canette derrière moi et enfin par les aises d'un autre sans-gêne sur ma droite qui s'est cru chez lui en mettant ses pieds nus sur le repose tête devant lui. Allait-il se gratter les couilles, un autre allait-il péter ou roter pendant la séance ? On pouvait dès lors s'attendre au pire. Sur le générique du début, les ouvreuses ont cru bon elles aussi de venir m'emmerder avec leurs loupiotes pour installer un retardataire. Merde, qu'est-ce que c'est que ce bordel ? Je peux voir un film tranquille ?

Autant dire que j'ai commencé avec une humeur plutôt massacrante. Heureusement, le film de Garrone est très bien écrit, bien mis en scène.

Vu le thème du film, je me retiens de dire que c'était agréable. Un type, dépressif à force de ne pas trouver la femme idéale, en rencontre une qu'il parvient à convaincre de maigrir comme il en rêve, la poussant vers un régime draconien, proche de l'anorexie. Un film qui raconte une histoire de couple aussi perverse ne peut pas constituer un spectacle agréable. En tout cas, pour moi, c'est un moment difficile à passer. Je n'aime pas ce genre de film où les personnages passent leur temps à bien s'autodétruire, que ce soit le bourreau dans son obsession à modeler sa créature, ou donc la victime qui consent à subir cette violence et ces humiliations. Il y a alors une frustration qui me gagne. Je suis proche de l'asphyxie.

Pourtant, je le répète, le film est très bien fait : l'on suit très facilement la lente progression des deux personnages vers la folie. Les temps sont bien respectés, c'est on ne peut plus crédible.

L'actrice principale (Michela Cescon) surprend par la justesse de son jeu. Son rôle est compliqué. Elle passe admirablement et en douceur d'un bonheur resplendissant, celui des premiers temps amoureux, à l'enfermement dû aux privations. Je suis vraiment épaté par sa prestation. C'est bluffant.

Vitaliano Trevisan a la tête de l'emploi avec un visage très dur. On le suit très mal. Il reste en retrait. Son personnage balaie toutes les opportunités qui s'offrent à lui avec une froideur et un entêtement assez bien rendus par l'acteur. Son travail n'est pas aussi brillant que celui de sa partenaire, mais il n'est pas l'auteur de fausse note.

Je ne connaissais pas Matteo Garrone. Sinon de nom, bien entendu. L'occasion de le découvrir par le biais de ce film moins connu que Gomorra ou Reality était belle. Malgré le fait que je n'ai pas aimé l'histoire, ce film m'a donné l'envie d'essayer ses films plus connus. Parce qu'il ressort de sa mise en scène le sentiment que tout est bien pensé, un sentiment de sécurité narrative en quelque sorte, qu'en tant que spectateur on est bel et bien mené de la façon que le cinéaste a voulue. On sent bien la direction qu'il veut nous faire prendre. Cela respire la maîtrise, la rigueur, à la fois dans l'écriture et dans la mise en image. Il y a pourtant des prises de risque, or, elles se révèlent tout à fait sensées, comme cette séquence où les acteurs sont floutés dès lors que les deux personnages ne sont plus sur la même longueur d'onde, pour bien marquer la rupture entre eux deux.

Bref, un film difficile, très bien en main, brutal et droit.
Alligator
6
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le 8 nov. 2013

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Alligator

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