Dès son ouverture, Premier Contact prend le spectateur à contrepied : avant même l’arrivée des vaisseaux, Villeneuve nous confronte à l’intime, à travers les images de Louise Banks et de sa fille un montage qui, tel un prologue tragique, installe un poids émotionnel avant le déploiement de la science-fiction. Je trouve que ça donne au film une densité rare : l’invasion extraterrestre n’est plus seulement un enjeu mondial,mais plus quelque chose de personnel

La première vision du vaisseau, monolithe flottant au-dessus d’un champ embrumé du Montana, est exemplaire de la mise en scène villeneuvienne : dépouillée, presque silencieuse, jouant sur le contraste entre l’ordinaire du paysage et l’étrangeté absolue de l’objet. La verticalité de l’engin, que les scientifiques atteignent en traversant un tunnel inversant la gravité, traduit déjà un peu la perte de repères qui va structurer tout le récit finalement.

La rencontre avec les heptapodes est sans doute l’un des grands moments du film Derrière la paroi translucide, la matérialisation de leur langage — ces cercles d’encre qui s’étendent comme des mandalas mouvants — condense toute la poésie visuelle du film. Villeneuve filme chaque apparition comme une révélation, et c’est fascinant de voir Louise, armée de simples pancartes et de patience, bâtir un dictionnaire fragile face a l’inconnu.

Le film atteint alors son équilibre le plus subtil : à mesure que Louise progresse dans la traduction du mot « weapon » (ambiguë entre « tool » et « menace »), l’intrigue bascule entre tension politique les armées prêtes à tirer et quête intime la découverte que ce langage circulaire modifie sa propre perception du temps. La scène où elle « se souvient » d’un futur dîner avec le général chinois, moment pivot du scénario, illustre cette bascule : le spectateur est pris dans une temporalité qui se déploie comme un peu comme palimpseste.

Techniquement, on voit que Villeneuve maîtrise chaque registre : la photographie feutrée de Bradford Young, aux tons gris et terreux,; le son, entre grondements organiques des heptapodes et les nappes de Jóhann Jóhannsson.Quant à Amy Adams, elle porte le film avec une intensité discrète : son regard absorbé face aux cercles d’encre, ses silences habités, donnent vie à ce récit.

Reste que Villeneuve force parfois le trait. Le rythme contemplatif, assumé, frôle par moments la lenteur, et l’explication finale sur la perception circulaire du temps, martelée dans les dialogues, enlève un peu de mystère à un concept que l’image seule avait déjà rendu puissant.

Mais ces faiblesses n’effacent pas les bon points du film. Premier Contact est une science-fiction qui ose parler du langage et du deuil plutôt que de la destruction et du triomphe. En choisissant de montrer que comprendre l’autre, c’est d’abord apprendre à penser différemment, Villeneuve signe un film rare qui marque l’esprit

Admth
8
Écrit par

Créée

le 20 sept. 2025

Critique lue 2 fois

Admth

Écrit par

Critique lue 2 fois

D'autres avis sur Premier Contact

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Premier Contact
Sergent_Pepper
8

Mission : indicible.

La science-fiction est avant tout affaire de promesse : c’est un élan vers l’ailleurs, vers l’au-delà de ce que les limites de notre connaissance actuelle nous impose. Lorsqu’un auteur s’empare du...

le 10 déc. 2016

199 j'aime

16

Premier Contact
trineor
5

Breaking news : t'es à court sur la drogue bleue de Lucy ? Apprends l'heptapode !

Bon, bon, bon. Faut que je réémerge d'une apnée boulot déraisonnable, rien que le temps d'un petit commentaire... parce que c'est que je l'ai attendu, celui-ci. Et fichtre, je suis tout déçu ...

le 7 déc. 2016

156 j'aime

61

Du même critique

Superman
Admth
7

Un renouveau sincère mais perfectible

Ce Superman version 2025, signé James Gunn, cherche à relancer l’homme d’acier sous un angle plus humain, lumineux et ancré dans notre époque. Et franchement, ça fonctionne plutôt bien… même si tout...

le 1 août 2025