Z In France

L'exercice de la petite série Z faites en autoproduction est parfois difficile à juger tant mon cœur balance entre le profond respect pour les artisans kamikazes qui consacrent parfois des années de leurs vies à concrétiser un projet et la critique plus à froid et souvent négative du résultat. De plus les réalisateurs de ces œuvres ultra-bis et indépendantes traînent parfois sur le net pour vous alpaguer après la rédaction d'un avis trop virulent dans des débats souvent très courtois mais qui mettent en exergue que la critique (positive ou négative) impacte aussi la sensibilité de son créateur qui avant d'être un réalisateur est avant tout une personne. Prends Ta Bible et Tire-toi représente plus de dix ans de la vie de Alexis Wawerka, tout d'abord court métrage ne trouvant pas la pleine satisfaction de son créateur, le projet ne va cesser ensuite de gonfler démesurément d'ajouts en reshoots (tournés avec une équipe ultra-réduite) jusqu'à devenir aux dires même de son réalisateur un joyeux et foutraque bordel. Car une des choses qui marque quand on commence à fouiller un peu les coulisses de ce projet c'est de constater que Alexis Wawerka fait preuve autant de générosité que d'humilité et de lucidité sur son film. Et quand bien même je surnote sans doute un peu ce film bourré de défauts, Prends Ta Bible et Tire-toi m'a globalement fait passer un bon moment.

Prends Ta Bible et Tire-toi est un film hybride dont les nombreux ajouts ne feront qu'accentuer ce sentiment de grand fourre tout. Il est question d'extra terrestres en visite sur notre planète, d'une pluie de météorites transformant les habitants d'un petit village en infectés cannibales, de morts vivants, de singe chasseur de primes et de lama, le tout se déroulant en Picardie.

On va commencer par les défauts les plus importants du film qui sont souvent d'ordre technique et donc compréhensible ou du moins à relativiser par rapport à l'étroitesse du budget et les conditions de tournage. Tout d'abord le film est assez bordélique dans sa cohérence visuelle, même si l'on imagine parfaitement que le tournage étalé sur plusieurs années ainsi que l'absence de directeur de la photographie n'aide pas à la continuité visuelle de l'ensemble, on passe vraiment par trop de textures et de qualités d'images différentes pour que l'ensemble soit pleinement satisfaisant. Encore et toujours à relativiser par rapport à la nature même du projet mais les effets spéciaux numériques sont très rudimentaire et souvent assez laids, et quand bien même certains diront que ça colle bien à l'aspect Z de l'ensemble, je trouve que la médiocrité d'un effet numérique ne pardonne pas voir jamais. Autant les effets physiques aussi foireux soient ils apportent un certain charme, autant un effet numérique moche donne immédiatement un aspect ringard et un peu j'en foutiste à un film. C'est d'autant plus dommage que Prends Ta Bible et Tire-toi combine les deux types d'effets spéciaux à la fois physiques et numériques et que clairement tout ce qui relève des effets physiques, des maquillages et des bidouillages directs sur le tournage sont très largement en faveur du film. Et même si tout ce qui est relatif aux FX crées par ordinateur n'est pas à jeter loin de là, les plus approximatifs viennent trop souvent tirer le film vers le bas. Autre défaut qui concerne cette fois ci un peu plus l'écriture et le choix de mise en scène, Prends Ta Bible et Tire-toi est truffé de bruitages burlesques de cartoons qui peuvent être amusants épisodiquement mais qui finissent par lasser un peu sur la longueur. Même si cela renforce l'aspect comédie déjanté et cartoon du film, on a aussi la sensation d'un subterfuge pour surligner en gras les moments ou il faut rire ce qui paradoxalement ne fonctionne pas toujours car les bruits de petits oiseaux après qu'un personnage se soit pris un coup sur la tête ça aurait plus tendance en ce qui me concerne à me faire soupirer que marrer. Inutile aussi d'espérer de grandes performances d'acteurs, mais dans l'ensemble j'aurai plutôt tendance à ranger le surjeu et le cabotinage du casting dans les qualités plus que dans les défauts du film.

Une fois ces défauts posés on pourra commencer à apprécier Prends Ta Bible et Tire-toi pour ce qu'il est à savoir un gros Z généreux et bordélique dans lequel Alexis Wawerka semble avoir glisser tout ce qu'il aime sans trop se soucier si il en avait les moyens. Et dans ce joyeux fourre tout on trouvera donc des tas d'extra terrestres bizarres, un singe chasseur de primes (interprété par le réalisateur himself), des infectés cannibales, des morts vivants, un chien en peluche, un lama, des météorites, une vielle avec un tromblon semblant sortir d'un western, du bouseux Lepeniste, un prédicateur vaudou, une prostituée et même Emmanuel Macron. Tout ce joli monde a parfois un peu de mal à se rejoindre au cœur d'un récit cohérent mais est ce raisonnable de chercher la cohérence au sein d'un tel projet ?? Globalement, même si on ne passe pas tout le film plié en deux à se tenir les cotes, l'ensemble est assez amusant et plutôt fun à regarder et j'ai même trouvé quelques personnages over the top franchement drôle comme ce vendeur de frites à l'accent à couper à la cisaille. Globalement le casting est assez réussi et même si on est loin de la constellation de stars on constatera que le film s'appuie sur de solides comédiens et comédiennes habitués à l'exercice du court métrage, des productions indépendantes et des tout petits rôles. Et puis le film s'offre aussi quelques noms prestigieux avec Jean Claude Dreyfus et Llloyd kaufman qui rivalisent de cabotinage dans leurs rôles respectif de maire du village et de président de la république, mais aussi Jean Pierre Mocky en vieux ronchon et surtout la délicieuse et définitivement culte scream queen Linnea Quigley dans son propre rôle ou presque. Il faut également ajouter les nombreux figurants du village de Ham en Picardie qui de 7 à 77 ans semblent visiblement très heureux de venir s'amuser à jouer des infectés cannibales. Même le père du réalisateur fait une courte apparition en passant la tondeuse à gazon à poil pour une séquence tournée en plein hiver comme le révèle le très amusant générique de fin. Le film aura beau être aussi foutraque que maladroit il comporte aussi de très chouettes idées comme lorsque ce prédicateur, vaudou et marabout fait lever une bande de morts vivants pour lutter contre les infectés. La résurrection des cadavres sortant de terre dans un cimetière sauvage en forêt est d'ailleurs vraiment réussie faisant carrément parfois penser à du Lucio Fulci avec des maquillages franchement convaincants, mention spécial pour ce comédien qui a accepter d'avoir des vers grouillants dans la bouche pour les besoins d'une séquence assez saisissante. Car pour en revenir à ce que je disais plus haut lorsque Prends Ta Bible et Tire-toi joue sur le registre du maquillage, du bricolage et des effets physiques il fait souvent mouche y compris lorsque l'illusion est assez grotesque.

Le film est très généreux niveau gore et si le sang numérique fait tâche, en revanche les tripailles, les prothèses, les fausse têtes écrabouillées et les maquillages font largement le boulot. A la fois frustrant mais hautement jouissif le film passe en mode film d'animation lorsque la débauche d'idées gore n'est plus du tout en adéquation avec le budget du film et franchement ça fonctionne mille fois mieux qu'un effet numérique bancal. Tronches fendues en deux, séquences d’anthropophagie gorasse, bébé qui arrache le visage d'un policier, carnage à la moissonneuse batteuse, on sent que libéré des contraintes du tournage physique Alexis Wawerka se lâche complètement dans des délires horrifiques assez jouissifs et d'autant plus agréables que l'animation à la patine très BD est franchement très séduisante. Et puis même si on échappera pas à quelques gags qui visent le slip et une séquence de vomito en gros plan, je serais très reconnaissant à Alexis Wawerka de ne pas s'être vautré dans la provocation adolescente et scatologique, cache misère bien trop souvent utilisé dans ce type de productions.

Alors oui c'est foutraque et mal branlé, c'est parfois agaçant et imbuvable mais dans l'ensemble Alexis Wawerka a remporté son pari. Prends Ta Bible et Tire-toi c'est de la bonne série Z humble, artisanale et généreuse qui ose tout ce qui passe par la tête de son créateur quitte à se planter et n'avoir jamais les moyens de rendre par l'image le fruit d'une fertile imagination. La sincérité de la démarche c'est parfois ce qui fait toute la différence entre un bon gros Z et simplement un mauvais film.