Fenêtre sur sourds
Nouvelle variation sur la question du point de vue, Presence joue habilement avec les renversements, convoquant quelques partis pris déjà abordés, mais en les fusionnant pour une nouvelle approche...
le 17 févr. 2025
34 j'aime
20
Avec Presence, Soderbergh sonde le drame intime à travers un prisme inédit : celui d’un spectre-caméra qui recueille les instants de vie d'une famille.
Ici, l’œil de Soderbergh n’est pas extérieur, il est infiltré. Il erre, frôle, s’immisce sans jamais interférer, condamné à l’observation. Son regard se confond avec la maison elle-même, flottant d’une pièce à l’autre. Et nous, spectateurs-voyeurs, devenons ce regard, captifs de ce huis clos.
Si Presence nous parle de hantise, c’est moins celle d’un esprit que celle des relations familiales. Ici, le tableau initial se fissure à mesure que la caméra dérive. Quant aux personnages, la mère, rigide et implacable, n’admet ni faille ni compromission. Le père effacé, absorbé par l’ombre du rôle qu’il peine à jouer. Le fils écrasé par l’impératif de réussite, un désir de perfection qui se mue en poison. Et Chloe, adolescente hantée par l’absence, le deuil d'une amie disparue. Et c’est par cette dernière que notre connexion se tisse.
Presence est une radiographie du mal-être adolescent et des dysfonctionnements que l’on ne veut pas voir. Ici, les conversations instillent davantage de malaise que les manifestations spectrales.
Là où Zemeckis, avec Here, figeait le regard dans un cadre unique pour capturer le passage du temps, Soderbergh choisit au contraire le mouvement continu, une caméra qui se faufile, s’approche, s’efface. Les plans en ultra grand angle déforment la perception, confèrent à l’image une étrangeté flottante, comme un regard en suspension entre deux réalités. Le voyeurisme devient une posture forcée : nous ne sommes pas seulement spectateurs, nous sommes intrus.
Mais Soderbergh ne s’arrête pas là. À mesure que le film avance, que le malaise s’insinue, il glisse vers une autre idée : et si ce spectre n’était pas simplement un témoin, mais le regard d’un être encore lié à cette maison ou à cette famille. La caméra devient alors une conscience diffuse, un ange gardien, phagocyté par l’impossibilité d’agir.
Créée
le 7 mars 2025
Critique lue 52 fois
10 j'aime
Nouvelle variation sur la question du point de vue, Presence joue habilement avec les renversements, convoquant quelques partis pris déjà abordés, mais en les fusionnant pour une nouvelle approche...
le 17 févr. 2025
34 j'aime
20
Presence part d’une idée intrigante : une entité mystérieuse observe une famille dans une maison marquée par un drame. La réalisation, avec ses longs plans séquences immersifs, instaure une ambiance...
Par
le 6 févr. 2025
24 j'aime
Rappelons ce qu’écrivait Pauline Guedj dans son excellent essai sur Soderbergh, Steven Soderbergh, l’anatomie des fluides : « Un artiste versatile, pragmatique, dont la carrière n’est pas dictée par...
Par
le 7 févr. 2025
18 j'aime
Luca Guadagnino s’empare de Queer avec la ferveur d’un archéologue fou, creusant dans la prose de Burroughs pour en extraire la matière brute de son roman. Il flotte sur Queer un air de mélancolie...
Par
le 14 févr. 2025
32 j'aime
1
Après Jackie et Spencer, Pablo Larrain clôt sa trilogie biographique féminine en explorant l'énigme, Maria Callas.Loin des carcans du biopic académique, Larraín s’affranchit des codes et de la...
Par
le 17 déc. 2024
30 j'aime
4
Sous la main de Tim Mielants, le silence s'immisce dans chaque plan, une ombre qui plane sur l’âme lugubre de son œuvre. La bande sonore, pesante, s’entrelace à une mise en scène austère, plongeant...
Par
le 20 nov. 2024
30 j'aime
1