Qui est le film ?
Présenté en compétition à Cannes 2025, The Mastermind marque le retour de Kelly Reichardt après showing up. Avec Josh O’Connor dans le rôle central, le film se glisse dans les plis du « heist movie », ce sous-genre du casse qui repose sur la virtuosité de ses protagonistes et l’élégance de sa mécanique. Mais Reichardt, fidèle à sa méthode, préfère tourner le dos au spectaculaire pour filmer des existences minuscules, des gestes maladroits, une Amérique des années 1970 minée par la désillusion économique. En surface, le film promet une relecture radicale du genre, débarrassée du glamour et réinscrite dans l’ordinaire.

Que cherche-t-il à dire ?
Le projet est clair : dépouiller le mythe du « génie criminel » pour le réduire à la taille d’un homme qui échoue plus qu’il ne réussit. Le casse devient symptôme d’un malaise social, révélateur d’une virilité en perte de repères, incapable de s’inventer autrement qu’en rejouant des fantasmes de pouvoir. Reichardt prétend ainsi faire du vol d’œuvres d’art non pas un spectacle, mais une parabole sur la précarité et la déchéance. Mais cette intention, si forte sur le papier, reste trop souvent une note d’intention plutôt qu’un moteur dramatique.

Par quels moyens ?
Loin des chorégraphies millimétrées, Reichardt filme des préparatifs maladroits, presque risibles. Ce parti pris pourrait être brillant, mais il finit par tourner au gag répétitif diluant toute tension dramatique.

Plutôt que l’adrénaline du casse, le film insiste sur les conséquences. Mais ces « lendemains de crime » sont traités avec une sécheresse qui frôle la monotonie. Là où l’on attendrait une radiographie intime, on ne trouve qu’une suite de silences pesants et une disparition de la cellule familiale.

Josh O’Connor incarne un JB Mooney pathétique plus que tragique. Son incompétence est censée révéler une société malade, mais l’écriture et son errance échouent à lui donner de la profondeur. Le personnage flotte entre caricature et vacuité, et le spectateur peine à s’y accrocher autrement que par une ironie distante.

La mise en scène, faite de plans fixes et de couleurs sourdes, installe une austérité qui finit par étouffer. Le silence, omniprésent, devient simple signe de vacuité. Le réalisme voulu par Reichardt se fige en neutralité plate.

On devine l’ombre du Nouvel Hollywood, de ses anti-héros losers, mais Reichardt refuse tellement l’élan dramatique qu’elle en vide la filiation. L’héritage convoqué reste citationnel, jamais assimilé.

Où me situer ?
J’admire l’intention de Reichardt, son refus du spectaculaire et son désir de traiter le genre comme un miroir social. Mais son film me laisse froid. La rigueur se mue en raideur, la discrétion en effacement, l’anti-héros en coquille vide. Là où First Cow réussissait à rendre la modestie bouleversante, The Mastermind ne parvient qu’à réduire le cinéma à une succession de gestes éteints.

Quelle lecture en tirer ?
The Mastermind échoue à transformer son idée en expérience. On comprend ce qu’il cherche : détourner le heist movie pour en faire autre chose. Mais ce que le film donne à voir, c’est surtout la stérilité d’un dispositif qui ne se renouvelle jamais. La lenteur devient prévisible, la banalité devient creuse, et le spectateur reste à distance. Si Reichardt voulait filmer l’échec, elle y est parvenue mais pas dans le sens où le cinéma en sort grandi.

cadreum
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le 10 sept. 2025

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cadreum

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