Prêtre
7.2
Prêtre

Film de Antonia Bird (1995)

Prêtre est un film génial car l'immersion qu'il propose est totale, et que les réflexions théologiques qui y sont abordées sont développées avec efficacité. Et que le film se frotte à des sujets sociaux dramatiques avec un premier degré qui fait plaisir (homosexualité, pédophilie, déresponsabilisation, individualisme...) et qui offre de vrais portraits de personnages. Essentiellement dans l'opposition entre le père Matthew et le père Greg, qui ont des conceptions très différentes de la religion. Le père Matthew est typiquement l'image qu'on peut avoir des prêtres laxistes. Ceux qui ont un peu le côté ravi de la crêche, qui vont chanter les louanges de l'amour, qui prônent une attitude positive et qui se refuse à juger ses pairs. Il prône une Foi gentille, et ne s'adresse qu'à ses ouailles se déplaçant dans son église. Le prêtre conciliant qui ne force personne à rien. Une attitude qui laisse les fidèles dans une forme d'indifférence (bonne conscience pour être allé à la messe et basta) et que supporte mal Greg, qui se révèle intraitable dans l'évocation des péchés de l'humanité et qui souhaite remettre chacun en face de ses responsabilités. C'est le personnage qui retient l'attention, car c'est évidemment celui qui sera le plus mis à l'épreuve, de par son attitude et la grosse contradiction qui l'habite. Car dans la penderie, derrière la chasuble, est bien rangé le manteau de cuir qu'il enfile parfois en soirée pour se rendre dans les bars gays de la ville et trouver chaussure à son pied. Pas dans la consommation (d'ailleurs, la représentation des attirances est plutôt soignée par le film, qui n'émet jamais de jugement), mais pour combler une envie qui n'a jamais été satisfaite. C'est à partir de cet instant que le portrait commence à s'affiner, et que Greg commence à s'enfermer dans une sorte de fanatisme catholique de la reconnaissance de ses propres péchés, pendant qu'il est lui-même dévoré par les siens, et qu'il constate que le père Matthew a trouvé une alternative au célibat en vivant en compagnie d'une femme noire qui partage sa vie depuis une mission caritative en Afrique. Mise à l'épreuve pour Greg car il tombe amoureux et vice versa, et contact avec les fidèles de plus en plus tendu par ses réactions, tentant de trouver un équilibre entre ses idéaux et les situations auxquelles il est confronté (notamment une confession d'inceste, devant laquelle Greg hésite entre rompre le secret de confession tout en constatant son impuissance à faire fléchir par la parole le père). Prêtre, c'est toute l'imperfection du prêtre, toute l'humanité qui peut transparaître à travers l'habit, et les tentatives de transmettre et transcender les idéaux sans parvenir à soi-même les appliquer. Mais on les défend, car on croit encore en un bien commun. L'habit vaut-il le sacrifice ? Le film se focalise d'abord sur la contradiction et l'incertitude de Greg, avant de se lancer dans son débat sur le célibat de la prêtrise. Greg s'attache à ses idéaux dans une perspective de se structurer en aidant, de responsabiliser en culpabilisant, de redonner à la religion l'intensité qu'il perçoit dans ses thématiques. Mais la population réagit aussi de la façon dont on la traite, et répond au jugement par le jugement. La conclusion est assez dure, mais aussi très catholique dans son petit rayon lumineux final sur la notion de pardon, très chère aux valeurs chrétiennes. Objectivement, Prêtre est un bon drame, et sa confrontation directe avec de grosses questions sociales en fait un objet vraiment intéressant pour les amateurs de réflexions thématiques. Un film sur les religions d'hommes.
Voracinéphile
8
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le 9 déc. 2014

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Voracinéphile

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