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''Pris au piège'' Caught – 1949 de Max Ophüls est l'histoire d'une fille ordinaire, modeste et rêveuse, épousant un riche homme d'affaire, ce qui pourrait être convenue, sauf que l'homme d'affaire en question est un névrosé égocentrique et cynique qui décide de se marier sur un coup de tête.

Le métrage traite le sujet par ellipses, oscillant entre mélodrame et suspens d'une manière intéressante : l'on ne sait trop où mène le récit, ce qui en fait le sel.

Le propos est noir et les personnages ambigus. La jeune femme jouée par Barbara bel Geddes, actrice sans glamour, incarne avec justesse les sentiments de l'épouse déçue par son mariage, que la richesse ne satisfait finalement pas et qui, en dépit de la mésalliance, espérait une véritable relation affective. Dès le début, avant même ''l'heureux mariage'' elle apparaît irrésolue, rêvant d'épouser un prince charmant sans l'ambition nécessaire pour sortir de sa condition et y parvenir – un rêve de midinette velléitaire. Elle agit selon un schéma d'ascension sociale qu'elle a adoptée par conformisme sans le partager. Elle hésite à réaliser ce rêve lorsqu'il se présente, ne semblant pas prête à y sacrifier ce qui est nécessaire, elle ne paraît agir que sous la pression de sa colocataire, plus ambitieuse, et d'un modèle aliénant de réussite sociale par le mariage. Ce faisant elle tombe dans le piège d'une relation toxique.

A cet effet, Robert Ryan, toujours aussi inquiétant de férocité retenue, est un choix judicieux pour incarner le riche narcissique dominateur et intransigeant qui se joue de son épouse, ravalée au rang d'employée de compagnie et de porte-parures insultable à merci.

Le dénouement est surprenant par son côté à la fois heureux et amoral : l'épouse homicide – par omission – recouvre sa liberté totale par une fausse-couche.

Cinématographiquement parlant, le beau noir et blanc classique et les mouvements de caméra allègres – le traveling d'un bureau à l'autre des deux médecins – confirme le savoir faire de Ophüls.

En résumé une plutôt bonne surprise, ce contre-conte de Cendrillon.


Nota : au regard du portrait de femme, ce métrage est presque l'exact contre-point de ''The damned don't cry'' et une version grinçante de ''Rebecca'' sans Rebecca.

xyozyody
7
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le 13 sept. 2025

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xyozyody

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