Priscilla est de ces films qui brillent plus par la rareté de son sujet que par une quelconque originalité de forme ou de structure narrative. Ce n’est d’ailleurs pas anodin si dans la filmographie de son réalisateur, Stephan Elliott, ce soit la seule œuvre connue du grand public.
Et pour cause, dans sa mise en scène et son écriture poussives, sorte de Baz Luhrmann plus sage, Elliott fait écho à la représentation du drag. Tout doit être dans l’overdose, dans le grossier et le provocant, quitte à atteindre une vulgarité gratuite ne cherchant qu’à provoquer une réaction, dans un sens comme dans l’autre. Et pour cause, le drag est contestation par essence, expression grandiloquente de personnalités qui ne sauraient être refoulées pour plaire à quelques esprits conservateurs, une démonstration de force de caractère pour une lutte du quotidien.
Alors les discussions qui ne traitent que de cul, les provocations puériles, les obscénités à tout va, tout ceci à la scène comme à la ville, servent de carapace face à une société qui, hors de quelques cocons de tolérance tels Sydney, refuse la différence et préfère l’éliminer que de chercher à la comprendre, ou de tout simplement la tolérer.
Personnellement, les drags m’indiffèrent. J’en ai vu des représentations en live ou dans des émissions, et je n’ai jamais accroché au concept même d’un spectacle en playback avec costumes criards. Mais via Priscilla, j’entends mieux cette expression par le faux, comme un miroir qui donnerait à voir le monstrueux aux bigots pour mieux le subvertir, comme un moyen de s’assimiler de force dans la culture prégnante en en grossissant les traits, en détournant ses modèles pour mieux se les approprier. Alors je n’irais toujours pas voir Ru Paul, parce que je m’y ennuierais quand même, mais j’en comprends bien mieux la signifiance..
Le film n’est pas inoubliable, mais son énergie, sa traversée du désert australien en quête de reconnaissance (publique, familiale, personnelle), et son trio d’acteurs investis en font une pièce rare qui sert franchement son propos et donne un éclairage bienvenu à un univers rarement traité avec une telle tendresse.