Promising Young Woman, c’est l’histoire d’une femme parmi tant d’autres, une ‘jeune femme prometteuse’ tombée en chute libre. Une personne en souffrance et sans soupape pour respirer, confrontée à un monde qui ne lui accorde aucun crédit et a choisi d’opposer vérité et convenance. C’est une de ces histoires qu’on a tous entendu des centaines de fois dans notre vie, en particulier depuis fin 2017 et la montée en puissance du mouvement #Metoo. Une histoire ni inédite, ni surprenante dans sa genèse – mais qui n’en reste pas moins importante et percutante.


Carey Mulligan incarne Cassie, une ancienne étudiante en médecine. Il y a quelques années, suite à une sale histoire qui est arrivée à sa meilleure amie Nina, elle a tout laissé tomber pour la soutenir. Aujourd’hui, elle vit une vie creuse et monotone, qu’elle tente vainement de remplir de sens en donnant la leçon à un mec différent chaque soir, se battant seule pour faire entendre une vérité oubliée de tous (son nom fait d’ailleurs écho à Cassandra, prêtresse maudite de la mythologie grecque, condamnée à énoncer des vérités sans jamais être crue). On sent de suite la patte de la réalisatrice Emerald Fennell (Killing Eve) : les dialogues sont emplis de sarcasme et d’humour noir, les visuels sont jolis, soignés et percutants, à mi-chemin entre Wes Anderson et Quentin Tarantino (le chapitrage !). Il y a une volonté de ne pas tomber dans le pathos et un sens du divertissement aiguisé, avec même quelques emprunts aux codes du film d’horreur, notamment dans cette scène de dégustation de hot-dog au début du film.


Promising Young Woman est donc beaucoup de choses à la fois, peut-être parfois trop. Vraie-fausse comédie romantique ? Thriller revanchard ? Drame réaliste ? Il joue avec les conventions et flirte constamment avec l’attendu, pour finaliser se dérober au spectateur et partir dans une autre direction. La B.O. acidulée et pop (Charli XCX, une reprise maussade de It’s raining men et même Paris Hilton !) ainsi que les tons pastels à l’image donnent l’impression d’un petit bonbon acide. Ils cachent en réalité un cœur plus sombre : la persistance du trauma et ses répercussions, non seulement sur la victime mais sur l’ensemble des personnes qui l’entourent. Chaque personnage est impacté, à sa façon. Il y a ceux qui choisissent le déni, ceux qui ont fait leur deuil et continuent d’avancer ; il y a les amorphes, les ignorants, les repentants. Et il y a Cassie, gouvernée par sa colère.


Au premier abord le film semble manquer de finesse : pour moi, c’est parce que sous le trait grossi de la caméra, il présente un miroir déformant de toutes ces émotions. Ca part dans tous les sens, ça peut paraître confus, en dents de scie : mais c’est la réalité quotidienne des survivants du trauma. Un jour ça va, le lendemain c’est l’horreur. Surtout, le film tout entier est élevé par la superbe performance de Carey Mulligan, qui insère dans un personnage en apparence apathique tellement d’émotions contenues, de violence et de douceur combinées. Elle met en lumière à la fois la complexité de ces situations et une forme de simplicité : c’est juste l’histoire d’une personne blessée qui demande justice. Et si le final paraît certes téléphoné, comme un mauvais épisode de Cold Case, le sentiment doux-amer de résolution (ou non) qu’il génère est cohérent avec la thématique.


J’entrevois le manque d’empathie et l’ironie, à lire ici et là « Oui, bon, c’est un film #Metoo qui arrive un peu après la bataille, l’histoire on la connait, bonjour la redite, quel est le but ? ». Cette situation fait pour moi écho à une scène du film, avec la doyenne de l’école de médicine. Doit-on vraiment discréditer une histoire parce qu’elle a été trop entendue ? Fait-elle vraiment écho à une situation révolue ? Sans vouloir tomber dans le débat, elle s’applique pourtant encore à l’un des plus hauts fonctionnaires d’Etat de notre pays aujourd’hui. Preuve en est que le message a toujours besoin de résonner.

Wittle
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le 9 mars 2021

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