Spécialiste des effets spéciaux à l’ancienne, Stan Winston est l’un des artisans hollywoodiens au CV des plus impressionnants. Bien qu’il ait collaboré avec des cinéastes gigantesques sur des projets ayant marqué l’histoire du cinéma et de l’entertainement, en 1988 il décide de passer derrière la caméra. Son choix se porte sur l’adaptation d’un poème, par l’entremise d’une toute petite série B horrifique d’une poignée de dollars (son budget est estimé à 3,5 millions). Le pari est réussi, puisque plus de trente ans après « Pumpkinhead » reste des plus efficaces.


Porté sur les épaules du mythique Lance Henriksen, le film propose l’envers de l’Americana et de ses Redneck bien souvent moqué à Hollywood. Pour une fois, ce sont ces personnes qui sont les protagonistes du récit et les jeunes citadins le penchant névrotique d’une Amérique divisée. Lance Henriksen campe Ed Haley, un commerçant isolé dans la pampa du Sud, au cœur d’une région jamais réellement définie, entre un Texas désertique et une Louisiane marécageuse. Il apparaît comme un type honnête et droit, qui ne demande rien à personne et rend service aux locaux peuplant des environs peu peuplés. Il élève seul son fils, un petit gars attachant, inséparable de son chien (ce dernier est d’ailleurs interprété par Mushroom, le Barney de « Gremlins » !!).


En fin observateur, et au vu de sa grande expérience dans le milieu, Stan Winston sait très bien comment ça fonctionne. S’il est vrai qu’aujourd’hui la structure se perçoit assez rapidement, la caméra se garde bien de montrer la bête dans ses moindres détails. Ce sont des mugissements, une main griffue, un bout de pied, des morts hors champ et une hystérie permanente qui viennent créer une attente, puisque le Pumpkinhead tant vendu est quand même le titre du métrage !


Ce qui frappe en premier lieu, c’est l’ambiance particulièrement bien travaillée, qui donne au film une identité remarquable. Elle permet d’y développer un récit construit autour d’une belle et profonde réflexion sur le drame du deuil et, à l’origine de tout ce qui se déroule à l’écran, la mort occupe ici un axe central. Particulièrement bien travaillé, le premier tiers pose lentement le décor et favorise le développement des personnages. Un soin rare dans ce genre de production, qui lui permet de se démarquer. L’atmosphère disséminée se veut lourde, il fait chaud et moite, et durant toute sa première partie, ce film de monstre intelligent vend à ses spectateurices une grosse bébête, en se gardant bien de la montrer.Et bien entendu, la magie opère.


Si le film perd de son souffle dans une seconde partie un peu trop classique, qui sonne creux entre l’entrée en scène de la créature et son apparition complète, quelques fulgurances subsistes. « Pumpkinhead » répète alors un petit peu trop les critères d’un slasher classique, sans réel intérêt, qui se résume à montrer des jeunes cons se faire dégommer les uns après les autres, délivrant un fun qui tranche avec le sérieux du début. Puis le scénario se redresse dans un troisième acte, qui vaut la comparaison avec le premier, dans un style totalement différent.


Sans oublier sa thématique principale sur le deuil, le récit propose d’autres axes, comme la vengeance, qui alimente toute la seconde partie du film. Puis la réflexion se penche sur la repentance et l’acceptation de la perte d’un être cher, dans un troisième acte qui se conclu par un final magnifique. Cette organisation scénaristique en trois parties, fait évoluer le héros et rend cette œuvre particulièrement riche, passionnante et touchante, tout en demeurant ce qu’elle est : une série B avec un gros monstre en plastique.


Terrifiant, le Pumpkinhead témoigne d’un savoir-faire un peu tombé en désuétude, avec ces monstres en caoutchouc qui, enfant, pouvaient venir hanter vos nuits. C’est la seconde grande réussite du métrage, puisque l’attente, subtilement distillée, le rend encore plus terrible. Dès la scène d’introduction, le Pumpkinhead devient le point central d’une histoire récit qu’il hante du début à la fin, bien qu’il apparaisse, en tout et pour tout, à peine une quinzaine de minutes à l’écran.


Ne pas s’y méprendre, « Pumpkinhead » s’avère une première œuvre, celle d’un cinéaste en herbe, avec ce que cela implique de défauts, mais aussi de générosité, traduite par une envie de bien faire communicative. Il en reste donc une série B efficace et particulièrement bien ficelée qui tient encore la route, surtout à une époque où le film de monstre, récupéré par les gros studios, nourrit des blockbusters insipides (« Kong », « Godzilla vs. King Kong »…).


« Pumpkinhead » demeure témoin d’un cinéma d’antan, que n’oublient pas toutefois quelques nostalgiques. À l’instar des frères Duffer et leur « Stranger Things », qui essayent [malgré tout] de retrouver un peu de ces productions cools qui meublaient les vidéoclubs. Ces VHS aux impressionnantes jaquettes, ne pouvant que faire rêver des yeux innocents pas encore assez haut pour pouvoir découvrir ce qui s’y cachait derrière…


Trop souvent oublié, ce terriblement sympathique métrage que nous a offert Stan Winston, fait avec son cœur, mérite certainement une réhabilitation comme ce qu’il est : un grand petit film.


-Stork_

Peeping_Stork
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le 23 août 2021

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Peeping Stork

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