Ce film documentaire est bien évidemment d'utilité publique pour donner la parole aux palestiniennes qui sont sur place et d'entendre leurs mots afin qu'on cesse de parler à leur place. Il permet d'avoir une source d'information locale, de personnes qui vivent la situation dans leur chair et cela est extrêmement précieux.
Merci à Fatem pour tous les risques pris, qui lui ont coûté la vie dès que les forces armées israéliennes ont appris la nomination de ce documentaire à Cannes : ils l'ont assassiné elle et sa famille au lendemain.
Ceci étant dit, j'ai été choquée et agacée par la position de la réalisatrice qui fait le tour du monde, de voyages en voyages, pour certes promouvoir ses films (mais les visio existent...) et qui les annonce systématiquement à son amie Fatem. J'ai trouvé cela indécent, ce décalage entre une femme qui a les moyens de se payer de multiples vols (Canada, Maroc, Egypte, Grèce, France rien que sur les extraits du films en l'espace de quelques mois) et la photographe palestinienne confinée dans les ruines de sa ville, en prison à ciel ouvert et bombardé, comme elle le dit de ses propres mots. Elle dit aussi qu'elle aimerait en sortir, voyager, vivre comme Sepideh. Je trouve ça cruel de le lui mettre sous les yeux... Car honnêtement, je ne sais pas si c'était la meilleure chose que de lui dire à chaque fois "demain je prends un vol pour le Maroc, c'est super" .... Bon bah elle, demain, elle va essayer de trouver de quoi manger décemment ??? Le décalage est glaçant et à mes yeux indécent de le dire avec tant de détachement et de dépolitisation.
De la même façon, j'ai été agacée par certaines questions de la réalisatrice qui demande si l'horreur de la situation était pareil durant le covid pour elle ???? Pardon ? Comment peut-on imaginer une seconde qu'elle réponde oui ? Entre un quotidien de bombes, de cadavres, de deuils, de famine, et un quotidien certes d'enfermement mais avec les minimums besoins vitaux assurés, une connexion internet, un confinement en famille, c'est juste incomparable, évidemment !! Par ailleurs, Fatem lui répond d'emblée que non ce n'était pas comparable... Bien sûr !!
Bref, je remercie la réalisatrice d'avoir immortalisé des bribes de discussions avec cette femme palestinienne incroyable de courage, de lumière, de fierté et de forces, mais pour autant je reste très sceptique quant à la posture. Je me demande la pertinence de plusieurs scènes dont les gros plans sur le visage de la réalisatrice quand elle attend que la connexion soit rétablie, ou quand elle ouvre la porte à ses chats à de multiples reprises. Une seule fois aurait suffit à "aérer" le fil du film, si cela était l'intention....
Je recommande néanmoins ce film, mais surtout d'aller acheter le livre qui va paraître avec les photographies de Fatem et ses poèmes.