How was green my Valley se présente comme un tableau complexe derrière des paysages verdoyants. L'essentiel du film se déroule dans une vallée dont les différents plans offrent une vision exceptionnelle, tellement exceptionnelle que l'on s'imagine les différentes nuances de vert composants ces tableaux idylliques ainsi que le bruit environnant : le doux son paisible d'une rivière, le chant des oiseaux ainsi que les chants humains en accords avec ce paysage.

La vallée semble au premier abord avoir une âme puis au fil du film, on s'aperçoit qu'il n'existe pas une seule âme mais plusieurs, des centaines qui une à une composent cette vallée, composent ce paysage fantastique, de rêve puisque nous sommes dans l'imaginaire d'un homme.
Cependant le tour de force de Ford réside dans le fait qu'il n'y ait aucune sorte de naïveté ou de nostalgie infantile où tout les mauvais souvenirs font places aux bons. Ce film relate l'histoire d'une enfance, une enfance à la fin du 19ème siècle en Angleterre, la révolution industriel a pris possession de la vallée, la mine est une composante même de celle-ci et est essentielle aux hommes. Dés le début du film, nous voyons les hommes heureux de partir au travail, tous ou presque sont mineurs, tous se connaissent et aiment se retrouver : une communauté semblant alors inébranlable.

Au delà de l'environnement naturel et de l'environnement social, c'est surtout l'environnement familial qui est important au jeune Huw Morgan. Le film décrit une famille à l'aspect traditionnel, le père plutôt conservateur souhaitant respecter les traditions, par exemple il ne veut que personne parle durant le diné et s'oppose aux changements éventuels à la mine mais malgré cet aspect plutôt rustre d'une personne, nous avons l'image d'un père qui souhaite le meilleur pour ses fils cependant la tradition s'heurte violemment à la révolution sous-jacente qui fait trembler la vallée ,souvent nommée sous le terme de "Socialisme" qui semble faire alors non seulement trembler la vallée mais toute l'Angleterre.
La vallée n'est pas quelque chose de figer mais en mouvement avec une alternance systématique entre les moments de joies et les moments de douleurs cependant tous sont liés. Par exemple le premier mariage est un moment convivial, un mariage heureux en somme ; le deuxième, un mariage non désiré où les protagonistes hésitent même à chanter : un même évènement n'entraine pas les mêmes conséquences.

Ce mouvement n'est pas un bien ou un mal en soit, il est et personne ne peut l'arrêter. Il est bon de citer par exemple le moment où Huw rentre à l'école sous la volonté du père, ce dernier ne veut pas que son dernier fils suive le chemin de ses frères à la mine, il se plait à l'imaginer docteur ou avocat mais Huw s'aperçoit que la vie à l'école n'est pas aussi paisible que celle de la vallée. Celui-ci devra se battre pour obtenir sa place à l'école, l'école se situant dans une autre vallée, Huw est alors un étranger, en tant qu'étranger il devra conquérir sa place mais le plus étonnant est qu'une fois que celui-ci s'est intégré, Huw quitte l'école pour travailler à la mine et rester avec son père, sa famille, sa vallée. Ainsi il est faux d'imaginer un quelconque manichéisme sur ce film, le conservatisme n'est pas un bien ou un mal en soit tout comme l'aspiration socialiste. Tout se déroule comme cela devait se dérouler, tout n'est pas la cause d'un seul homme mais de plusieurs. Il n'est pas question de savoir si il faut aller à l'école ou non, si il faut se marier ou si il faut faire grève. Ce film exprime seulement les aléas de l'existence, les différentes saisons : l'hiver qui fait place au printemps, un printemps alors réparateur où les accidents de l'hiver sont oubliés, ainsi l'espoir renait jusqu'au prochain hiver, jusqu'au prochain déclin.

Un aspect primordial de ce film réside dans la religion, une religion sublimée par le personnage de Gruffydd, une religion qui ne se base pas sur des aspirations nihilistes (également représentées dans le film) mais par une volonté de vie qui défile à travers ce personnage : Soutenir le jeune Huw dans son épanouissement, l'amour secret de Angharad mais également la volonté de sauver le père de Huw et tout les habitants de la vallée. La religion est omniprésente, on aperçoit de nombreuses bibles dans le film, le père de Huw lit souvent des passages de l'évangile mais les interprétations sont nombreuses. C'est un duel qui s'installe alors, ce pasteur a pour ambition d'enseigner l'amour aux villageois mais ces derniers n'aspirent qu'aux commérages, à la protection individuel et dans une fabuleuse scène finale, on découvre toute la faiblesse d'une communauté humaine.

C'est ici que se situe le cœur du film : la communauté. Celle-ci semblant forte au début se trouve blessée dans une première partie lorsque certains décident de faire grève et que d'autre s'y opposent cependant après un accident celle-ci se ressoude et retrouve sa force, elle se retrouve blessée à plusieurs reprises, des divisions ont lieux, des clans s'opposent puis se reforment. On retrouve cela à l'intérieur même de la famille de Huw : des disputes et des réconciliations, des fils qui partent et qui reviennent. On aperçoit alors toute la force du film, derrière une communauté humaine se situe plusieurs individus, chacun possède sa propre volonté mais celle-ci cherche constamment à se fondre avec celle de son voisin : un contraste entre un individualisme poignant et un esprit communautaire éclate : aucun homme ne veut rester seul. A plusieurs reprise on aperçoit ce groupe d'homme suivre les discours d'un individu puis d'un autre jusqu'à ce qu'un(e) alors seul(e) contre tous prenne la parole pour faire revenir chacun à la raison.

How was green my Valley résonne tel un hymne à la beauté, aux émotions, aux hommes dans tout ce qu'ils impliquent : la dureté de l'existence liée à la légèreté de celle-ci, les forces et les faiblesses ainsi que les espoirs et les déceptions. Au delà d'un film, c'est un voyage au travers les souvenirs de non pas un seul homme mais de tous les hommes, un voyage au travers de l'existence, un voyage au travers de la vie.
Florens
8
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le 5 oct. 2013

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