Le cinéma russe, aussi méconnu soit-il, fut toujours l’un des plus avant-gardistes et expérimentaux parmi tous, notamment au début du XXe siècle. Porté par des théoriciens tels que Lev Koulechov, ou des réalisateurs d’avant-garde comme Sergueï Eisenstein et Dziga Vertov, il vit également éclore de grands artistes tels qu’Andreï Tarkovski. J’eus l’opportunité de découvrir un autre cinéaste, Mikhail Kalatozov, avec son film Quand passent les cigognes, et cela me confirma que le cinéma russe a encore de nombreuses pépites à me faire découvrir.


La guerre est un sujet très vaste qui a été parcouru à des maintes reprises au cinéma, en tous temps, et partout dans le monde. Toutefois, les films les plus connus restent associés à l’histoire des américains, voire des français, notamment lors de la Seconde Guerre Mondiale. Et pourtant, les russes ont joué un rôle majeur dans le dénouement du conflit. Cinq ans avant le superbe L’Enfance d’Ivan d’Andreï Tarkovski, Mikhail Kalatozov, réalisateur géorgien (la Géorgie appartenait alors à l’union soviétique), réalisa son film majeur : Quand passent les cigognes, palme d’or en 1958. Racontant l’histoire d’un jeune couple séparé par la guerre et l’appel à la mobilisation, c’est un témoignage sur la vie des russes lors de la Seconde Guerre Mondiale, mais c’est aussi quelque chose de bien plus grand et large.


Présenté comme une fable centrée autour d’une histoire d’amour, Quand passent les cigognes est un film universel et à la puissance rare. La grande maîtrise dont fait preuve Kalatozov dans sa mise en scène prend une place tout à fait importante dans la réussite en laquelle constitue le film. Celui-ci est enveloppé dans un somptueux noir et blanc artistique aux jeux de lumière captivant. Le film propose de nombreux contre-plongés nous permettant de nous glisser dans l’intimité des personnages et de nous rapprocher d’eux, et est ponctué de sublimes travellings permettant de passer de l’échelle de la foule à celle des personnes, afin de donner à cette foule une personnalité et une identité, et de balayer la société dans son ensemble.


Quand passent les cigognes se déroule comme une superbe partition visuellement grandiose et singulièrement cohérente. Les plans iconiques se succèdent dans cette histoire où l’espoir est le moteur des cœurs et où la guerre n’est pas que l’affaire de soldats se battant sur le font, mais un bouleversement général au sein de tout un pays et toute une population. L’ombre de la mort plane sans cesse, mais pourtant la vie continue et le monde continue de bouger. C’est un chemin plein de souffrance que nous traversons, la brutalité est omniprésente mais, pourtant, la lueur d’espoir ne s’éteint jamais.


Superbement mis en scène, Quand passent les cigognes est une nouvelle preuve du talent des réalisateurs russes dans la maîtrise de l’image, du montage et de la caméra pour faire de leurs films des chefs d’oeuvre d’un point de vue visuel, mais aussi de transcender les images pour leur donner un sens bien particulier et permettre au spectateur de vivre une expérience unique et durablement marquante. Quand passent les cigognes est un exemple en termes mise en scène, c’est un film qui raconte une histoire prenante, pleine beauté et de tristesse, au message résolument pacifique et plein d’espoir. Un grand film.

JKDZ29
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films soviétiques, Vus en 2017 : Pérégrinations cinématographiques, Les meilleurs films de 1957 et Les meilleurs films russes

Créée

le 29 août 2017

Critique lue 256 fois

3 j'aime

JKDZ29

Écrit par

Critique lue 256 fois

3

D'autres avis sur Quand passent les cigognes

Quand passent les cigognes
gaatsby
10

Quand l'amour fait plus mal que la guerre

Comment aurais-je pu deviner, en lançant Quand passent les cigognes, que j'étais sur le point de voir le plus beau film de ma petite vie ? C'est sous le coup de l'émotion que j'écris ces quelques...

le 19 oct. 2014

64 j'aime

8

Quand passent les cigognes
takeshi29
7

Quand le génie vampirise l'émotion

Revoir ce film m'aura au moins permis de me rassurer sur une chose : je sais (parfois) être cohérent avec moi-même. Je me dois donc de séparer deux choses afin d'être totalement objectif. L'analyse...

le 13 sept. 2014

56 j'aime

12

Quand passent les cigognes
Okilebo
9

Petite Poésie

Quand les cigognes passent L'amour s'abandonne dans leur sillage Aussi loin que l'espace Et au-delà des âges. Limpide est la lumière Qui enrobe cette passion. Mais craignez le souvenir d'hier, Le...

le 14 oct. 2020

52 j'aime

95

Du même critique

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Alien: Covenant
JKDZ29
7

Chronique d'une saga enlisée et d'un opus détesté

A peine est-il sorti, que je vois déjà un nombre incalculable de critiques assassines venir accabler Alien : Covenant. Après le très contesté Prometheus, Ridley Scott se serait-il encore fourvoyé ...

le 10 mai 2017

74 j'aime

17

Burning
JKDZ29
7

De la suggestion naît le doute

De récentes découvertes telles que Memoir of a Murderer et A Taxi Driver m’ont rappelé la richesse du cinéma sud-coréen et son style tout à fait particulier et attrayant. La présence de Burning dans...

le 19 mai 2018

42 j'aime

5