Tout commence par une confrontation directe entre la victime, ici un enfant et son bourreau, un chauffard interprété par un immense Jean Yanne. A la manière d'un Alfred Hitchcok dont il est un admirateur avéré, Chabrol dresse rapidement les atouts de son film en enchaînant deux scènes, deux déroulements existentielles qui vont finir par se confronter pour créer la damnation, la mort d'un enfant.

Puis on entre dans le réel de la vie d'un homme, magnifiquement interprété par un Michel Duchaussoy tout en retenu, face à l’innommable douleur de la perte de sa progéniture. Son unique but et de retrouver le coupable. Dès lors, les enjeux diffèrent. De la mécanique maniérée et méticuleuse Hithcockienne, on passe à la névrose et aux pulsions primaires, ici le désir de vengeance, chères à son autre cinéaste de chevet, Fritz Lang. Les deux maitres sont cités et le cinéma fera le reste. On entre alors dans un jeu de dualité où toutes les parties s'entrechoquent, qui débouchera sur un constat manifeste. Il Faut que la bête meure mais l'homme aussi.

Entre le père vengeur, intellectuel aux bonnes manières mais facilement corruptible, qui trouve plus de beautés aux joutes Homériques qu'à la prose Kafkaienne, et la "bête" en question, qu'un Jean Yanne de très haut niveau interprète à merveille, gouailleur, bourru et grossier, le franchouillard par excellence, macho et imbu de sa personne, qui donne des coups de pieds dans sa roue de voiture pour en prouver la solidité, commence alors un jeu du chat et de la souris. L'opposition du bobo intello parisien et de son pendant populiste qui sent la terre et se gomine. Tout ça assaisonné de joutes verbales et de pause philosophique qui s'entrechoquent et finissent par exploser dans un final inattendu, mais tellement prévisible.

Très distancier, mais profondément rituel, le cinéma de Claude Chabrol porte en lui l'essence de ce qui représente le mieux l'absurdité et les contradictions des travers de l'âme humaine. En grand amateur de bonne chair et de bonne table qu'il était, il savait magnifiquement assaisonner ses œuvres de suffisamment de raffinement et les épicer avec justesse.

Dès lors qu'il abandonne son histoire, qui se déroule au final en deux plans de début, il s'abandonne à une analyse au scalpel du continuum évident, l'homme ce monstre.

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le 13 sept. 2016

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