Stéphane Brizé à l'art et la manière par ses silences et ses longueurs récurrentes de parfaire son ambiance par le jeu de sa caméra et la force brute de ses acteurs.
Hélène Vincent, définitivement bien trop rare au cinéma et Vincent Lindon, habitué du réalisateur, sont excellents et portent cette histoire somme toute banale. On pourra trouver à l'acteur une redite de ses jeux, en homme taiseux s'accordant quelques crises colériques mais tout est affaire d'expression, de regards et de mouvements pour ce portrait d'un homme bourru qui ne trouve pas sa place et où le temps aura creusé un fossé vers l'amour maternel. L'actrice quant à elle apporte à chaque scène une sincérité et une rage contenue parfaites, entre des rapports difficiles et la maladie qui la met soudain face à l'inéluctable.
Une mise en scène à l'épure et à l'économie de dialogues, pour traiter avec brio de l'incommunicabilité, de la solitude et de la maladie, sans pathos ni misérabilisme. Le cinéaste jongle avec justesse sur les sentiments humains pour en révéler les fractures, et filme ses acteurs avec distance, exacerbant cet éloignement et ces rancœurs. Avec ses décors froids, sa luminosité fade et sombre pour pointer la dépression humaine et sociale, les scènes parlent d'elles-mêmes.


Par le choix en filigrane du suicide assisté,Brizé ne tombe pas dans le film à thèse pour autant et évite de plomber son propos venant naturellement se confondre au ton délétère du film, avec une sobriété et une pudeur qui en font toute sa force et pointe l'importance du libre arbitre.
Yvette dira d'ailleurs, pour une fois que je pourrai choisir quelque chose dans ma vie suffit à poser le contexte d'une vie subie et du souhait de s'en affranchir. On comprendra alors cet acharnement à ses tâches quotidiennes et répétitives, à nettoyer constamment sa maison, comme seul rempart à l'émotion qui tend à la submerger. Chamboulée par le retour du fils, les souvenirs ressurgissent. Veuve, le mari plane encore au dessus de ces deux être fatigués. Entre cris et silence, où leur seul lien est l'attachement à leur chienne, ou leur seule communication se fait à grands renforts d'augmentation de volume télé ou radio, elle se heurte à un fils qui lui renvoie l'image du mari dès que celui-ci fait preuve de violence.


Quelques jours de printemps est une réussite de rigueur, criant de vérité. Le ton âpre et austère ne déroge pas à la règle.
On aime ou pas Brizé et sa façon de tendre les scènes avec plus ou moins de réussite (Melle Chambon, qui semble une redite de Je ne suis pas là pour être aimé, -plus subtil et plus abouti- aux situations et seconds rôles parfois accessoires diluant les enjeux.
Olivier Perrier en voisin amoureux peut se situer dans cette catégorie annexe, mais révèle encore une fois par les non dits et la passivité ambiante, tout ce qui a été perdu avant même d'avoir pu éclore. Silvia Kahn dans le rôle du médecin est peut-être le bémol, tout en sourire, et d'un humanisme condescendant.
Et si certains trouveront l'idylle avec Emmanuelle Seigner toute relative, elle vient au contraire appuyé la difficulté de ce fils à s'ouvrir aux autres et apporte un vent de fraîcheur permettant au film de ne pas sombrer dans la lourdeur de son sujet, s'inscrivant naturellement et de façon crédible dans l'échec qui semble accompagner tout le métrage, avant la scène finale et de ses mots tant attendus, qui surprend par sa violence et saisi par son émotion.


Avec Une vie mon second coup de cœur Brizé.

limma
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le 8 mai 2019

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