On retrouve dans R.M.N. (IRM en Français) l'art consommé de Cristian Mungiu pour faire maturer son (ses) intrigue(s) avec une patience qui ne suscite aucune langueur monotone, à la manière d'un Zviaguintsev, en moins virtuose tout de même. Le lieu choisi en Roumanie occupe une place essentielle : la Transylvanie, territoire multiethnique où Roumains, Hongrois et Allemands cohabitent (non sans en avoir chassé les Tsiganes). Dans un petit village forestier, déserté par de nombreux travailleurs partis à l'ouest, l'arrivée de boulangers sri-lankais, embauchée par l'usine locale, va mettre le feu aux poudres et réveiller une xénophobie latente. Au passage, l'absurde politique européenne est aussi stigmatisée par la majorité de la population locale. R.M.N., qui est basé sur des faits authentiques marque l'extrême inquiétude du cinéaste devant cette montée inexorable de l'intolérance violente, phénomène illustré notamment par des réunions de groupe où la mise en scène prend toute son ampleur. Tout juste peut-on argumenter que Mungiu a un peu tendance à mettre les points sur les "i" avec une certaine outrance, comme Loach parfois (cela lui arrive) quand il troque la subtilité pour une certaine lourdeur démonstrative. Dans l'affaire, le film perd d'ailleurs de vue celui qui semblait être le personnage central, lequel, d'ailleurs, est sans doute joué un peu trop en dedans par son interprète. Au-delà des bémols que l'on est en droit d'énoncer, le film reste cependant une œuvre de grande qualité et maîtrisée, au caractère affirmé, une IRM sociale anxieuse et profonde, qui peut-être élargie à un grand nombre de pays européens.

Cinephile-doux
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le 5 juil. 2022

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