Plus de 10 ans après un premier visionnage, il fut temps pour moi de réévaluer "Raging Bull" que j'étais certain de ne pas avoir apprécié à sa juste valeur en son temps. C'est donc comme se prendre l'uppercut de Jake LaMotta pour la première fois.
L'histoire de ce film est en soi légendaire. Martin Scorsese a sombré dans la drogue en raison d'un échec amoureux terrible et d'une disette cinématographique. Son ami Robert de Niro lui propose la réalisation d'un biopic sur un boxeur issu de Little Italy qui gravit les échelons à la vitesse de l'éclair dans les années 50 pour les redescendre tout aussi brutalement


Au point de finir obèse libidineux au spectacle pathétique dans des salles perdues


Un "up and down" qui ne peut que parler à Scorsese,malgré son manque d'appétence pour ce sport,et sa méconnaissance du sujet. Il en fait une œuvre d'art et d'essai,en noir et blanc contrasté, au montage ciselé qui étire les engueulades domestiques pour mieux piquer au vif dans les combats fracassants sur le ring. L'introduction sur LaMotta s'échauffant au ralenti sur le Cavalleria Rusticana de Pietro Mascagni s'ancre instantanément dans nos mémoires.
Arrêtons-nous un instant sur la performance véritablement hallucinante de Robert de Niro. Doté d'un faux nez,ayant fait varier de 30 kg(!!) son poids pour les besoins du rôle,il livre à bien y réfléchir,probablement la prestation la plus impressionnante que l'on ait pu voir au cinéma. Vif,rageur,millimétré dans ses coups de poing autant qu'il est impétueux,injuste,électron libre misogyne dans sa vie privée. A cet égard,cette première rencontre avec Joe Pesci fait déjà des flammes tant on dirait des frères de sang,avec en point d'orgue le fameux "You fuck my wife ?".
Scorsese cède à son péché mignon de l'allégorie biblique,en l'occurrence parfaitement adéquate. Une âme peut-elle être récupérable à partir du moment où elle se rend compte de ses erreurs? Peut-on céder à la folie,la paranoïa,la bêtise et s'en relever? Sommes-nous auto-destructeurs par nature?
Jake LaMotta est en tout cas un personnage "bigger than life",capturé dans toute son essence par un Scorsese inspiré et minutieux comme rarement,dans un classique qui continuera encore et encore à nous inspirer.

Akamaru
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le 6 mai 2018

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