Rambo
7.1
Rambo

Film de Ted Kotcheff (1982)

Une œuvre qui va bien plus loin que le simple film d'action.

Rambo, c'est la démonstration par l'exagération de la façon dont les Américains ont traité leurs vétérans de retour du Viêt Nam.

Insultés, humiliés, destinés à être effacés comme toute trace de cette sale guerre...
Réduits à l'état d'animaux, presque.

John Rambo personnifie la réponse de tous ces vétérans à ces compatriotes ingrats et à ce gouvernement qui n'assume pas.
La réaction de Rambo et cette véritable guerre qu'il livre, c'est un bon gros "Merde!" balancé à la façade de la Maison Blanche, un crachat au visage du Président.

Rambo, c'est aussi la parfaite représentation du stress post traumatique, le "shellshock".
Il ne sait plus faire qu'une chose : se battre.
Finalement, tout ce qu'il veut, c'est qu'on lui foute la paix.

Et le voilà condamné à devoir passer son chemin, uniquement parce qu'il revient du Viêt Nam.
Quand on nie ainsi l'humanité de quelqu'un en lui disant presque qu'il ne devrait même plus exister, peut-on vraiment s'étonner de la réaction similaire à celle d'une bête traquée?

Le monologue final de Rambo, magnifique d'émotion, résume tout.

A mon avis, le meilleur film sur le retour des vétérans avec Né un 4 Juillet.

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En mode revu et corrigé.

Comme il est regrettable que l'image de grosse brute pro reaganienne de Rambo se soit diffusée et soit restée alors qu'elle n'est valable que pour les épisodes 2 et 3... Car ce n'est pas ce qui est développé dans ce premier épisode.

Petit rappel historique.
Nous sommes en 1982 (année de production et de sortie originale du film), et la guerre du Viêt Nam est terminée depuis maintenant sept ans. En 1975, le pays s'est réunifié, la guerre s'est achevée, et les Américains sont repartis la queue entre les jambes. Il y aurait beaucoup à dire sur cette défaite dans la société américaine, mais Rambo s'intéresse à un aspect précis : le retour des vétérans au pays.

Beaucoup de ceux qui ont eu la chance de revenir sont revenus brisés, physiquement ou psychologiquement, voire les deux. On pourrait s'attendre à ce qu'ils soient au moins accueillis en hommes, en soldats qui ont donné beaucoup pour la patrie, mais même pas. Non, on les accueillis avec de la méfiance, du mépris, voire de la haine ouverte.
Pourquoi, demandez-vous ? Parce qu'ils ont perdu la guerre, tout simplement. La première guerre perdue par les États-Unis depuis leur naissance, ça marque le pays (d'autant qu'il y a bien des facteurs qui expliquent pourquoi, mais passons, ce n'est pas le propos).
Il leur fallait un bouc émissaire, quelqu'un à désigner pour prendre la responsabilité de ce fiasco. Et ce furent donc les vétérans, ceux qui se battaient en première ligne, et qui ont été, une fois revenus, lâchés par leur gouvernement et même parle pays tout entier. Ils étaient devenus des parias, des traces à effacer de cette sale guerre...

Rambo, c'est une démonstration par l'exagération de cet état de fait et de ce que ressentent alors ces vétérans face à ce pays qui les renie. John Rambo devient ici l'incarnation des sentiments de tous ces camarades, pendant que Teasle règne sur « sa » ville et y applique les mêmes pratiques envers lui que le gouvernement et le pays envers toute l'armée. Rambo ne demandait rien de bien méchant.
Il voulait juste revoir un ami, malheureusement décédé entre temps, et repartir le lendemain. Et on le traite en vagabond, en paria, on le harcèle jusqu'à l'enfermer. Il finit évidemment par faire la seule chose qu'il sache faire. Il va se battre pour survivre et affirmer sa dignité, affirmer qu'il est un être humain comme les autres. Comment s'étonner de voir quelqu'un réagir en bête traquée quand on le considère comme tel ?

Rambo, à travers sa fuite dans les bois, devient un porte-parole de ces soldats qui luttent, eux aussi, pour rester dignes pendant que leur propre pays les traîne dans la boue. Un pays qu'ils aiment et respectent malgré tout, comme le montre Rambo qui refuse de tuer qui que ce soit (un seul mort dans ce premier film, et ce n'était même pas voulu par Rambo, qui s'en voudra tout du long).

Bien sûr, le traitement est celui d'un film d'action, mais ça va donc bien plus loin que ça, au contraire des deux films suivants. Le monologue final de Rambo résume tout.
Ce film, c'est une réponse au mépris du gouvernement et des Américains, un crachat au visage du Président, un « Merde ! » taggé à l'encre indélébile sur la façade de la Maison Blanche, un doigt d'honneur au pays tout entier. Et l'expression de toute la colère et la frustration de ceux qui ont laissé une part d'eux-mêmes au Viêt Nam, au service du pays face au « péril communiste »...

Ted Kotcheff offre au sujet un traitement pas particulièrement marquant, mais très efficace, préférant laisser le fond parler de lui-même. Quant au trio Stallone/Crenna/Dennehy, ils sont tous les trois parfaits, notamment Stallone, littéralement habité par son rôle comme il le fut pour Rocky six ans plus tôt.
Le fond est parfait, et on ne s'ennuie pas une seconde. Un film bien plus profond et politique qu'il n'y paraît, qui reste aussi un très bon spectacle d'action, action qui sert l'histoire et non l'inverse.

C'est un film qu'il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie. Surtout si on reste sur l'image reaganiste de Rambo forgée par deux suites dispensables... Le quatrième épisode vient heureusement le réhabiliter quand même, sans pour autant atteindre la force du premier film, la faute à un rythme trop rapide et une action trop débridée. Mais il retrouve un peu du fond de ce premier film et conclut bien l'histoire de John Rambo, et ça suffit à en faire un bon film, supérieur aux 2 et 3.

Bref, Rambo, c'est tout ça, bien loin de l'image la plus connue, et ça vaut largement le coup d'œil.
Lonewolf
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le 1 févr. 2012

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Lonewolf

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