Rambo
7.1
Rambo

Film de Ted Kotcheff (1982)

« C’était pas ma guerre ! » Cette fameuse réplique, qui nous a, pour beaucoup, été rendue célèbre grâce à la voix d’Alain Dorval, vient exprimer le désarroi d’un homme, un personnage de cinéma devenu culte, qui ne demandait rien sinon la paix. Depuis les (presque) quarante ans qui nous séparent aujourd’hui de la sortie initiale du film, quasiment tout a déjà été dit sur ce film de légende, qui a été décortiqué et étudié sous toutes les coutures. Mais, à quelques semaines à peine de la sortie de Rambo V : Last Blood, nouvel opus de la saga, un petit retour aux sources semblait assez opportun.


Rambo, c’est l’histoire de ce vétéran du Viêt Nam qui erre de ville en ville sur les routes des États-Unis, à la recherche de ses anciens compagnons d’armes. Loin de l’enfer de la jungle, il cherche un but à son existence, et c’est bien ce qui gêne les forces de l’ordre locales qui voient d’un mauvais œil celui qu’ils considèrent comme un vagabond. Devenu marginal, cible idéale, Rambo devient la proie dans une véritable chasse à l’homme. Mais peut-on réellement chasser un homme quasiment revenu à l’état sauvage ? C’est ce qui constitue tout le cœur de l’intrigue et de la réflexion proposée par Rambo, film d’aventure, d’action et de guerre qui vient ramener l’humanité à ses origines. Plus qu’un film culte, c’est une remarquable illustration de la guerre et de ses effets sur l’Homme.


Le sort réservé à Rambo est à l’image de ce qui arriva à beaucoup de soldats démobilisés après la guerre. Au cinéma, une quarantaine d’années auparavant, Eddie Bartlett, personnage principal des Fantastiques Années 20 (1939) joué par James Cagney, tentait de retrouver sa place dans la société après avoir combattu sur le front français lors de la Première Guerre Mondiale. Il ne put retrouver cette place, et dut se mettre au commerce illégal d’alcool lors de la Prohibition. Ici, la problématique de la réinsertion s’exprime à travers la solitude de Rambo, qui erre seul de ville en ville, qui cherche ses anciens camarades, et qui n’a, apparemment, pas de famille. Pire que de ne pouvoir obtenir cette réinsertion, on la lui refuse. Car Rambo n’est pas juste un soldat devenu vagabond, il est devenu l’esprit de la guerre, qu’on refuse de regarder en face, et qu’on préfère chasser de nos esprits. En effet, en ramenant Rambo dans la forêt, dos au mur, on le ramène dans l’état de bestialité dans lequel la guerre l’a plongé. Mais, au-delà de cela, il a été contaminé par la guerre elle-même, dont il est devenu la représentation.


De nos jours, l’idée d’un monde en guerre semble de plus en plus lointaine, même si de nombreux conflits locaux continuent de sévir à plusieurs points du globe. La guerre du Viêt Nam fut un cas très particulier pour les américains, divisant le peuple, ayant l’image d’une guerre impérialiste, terriblement cruelle, et elle représente aussi un échec inédit pour le pays et l’idéologie qu’il prône. Rambo est un épiphénomène de ce conflit et de son image auprès de la population. Enrôlé par son pays, il est devenu, à son retour, un paria, un indésirable. Cette guerre, on ne veut plus la voir. Mais il ne s’agit pas de la dénoncer, il s’agit de l’anéantir en faisant la guerre à la guerre. Ici, c’est la destruction de l’homme par l’homme. Ce n’est pas juste la guerre qui le détruit, ce sont les institutions-mêmes du pays qui la mènent, qui le détruisent. Rambo, c’est l’idée selon laquelle ceux qui mènent et qui approuvent la guerre ne valent pas mieux que ceux qui la font, au contraire, même. Autour, la nature reste reine et spectatrice, pendant que les Hommes se détruisent entre eux.


Si les suites qui seront offertes à ce Rambo prennent totalement son contre-pied en prônant une forme d’action décomplexée et en transformant le vétéran en une machine de guerre, ce premier opus a su faire date dans le genre, en plus de donner naissance au second personnage emblématique qui suivra Sylvester Stallone tout au long de sa carrière. Rambo est un grand moment d’action, mais il va plus loin, faisant de Rambo le porte-voix des victimes de la guerre et de l’horreur qu’elle répand, une âme damnée et brisée, dont les cris et les pleurs résonnent encore dans nos têtes.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29

Écrit par

Critique lue 138 fois

3

D'autres avis sur Rambo

Rambo
FonkyFresh
8

"J'aime pas ta p'tite gueule... Du tout."

Cas de figure N°1 - Rambo ça pue, c'est un film de bourrins pour les beaufs. - Tu l'as vu ? - Le 3ème seulement... Cas de figure N°2 - Rambo ça pue, c'est un film de bourrins pour les beaufs. -...

le 11 août 2010

161 j'aime

7

Rambo
Sergent_Pepper
8

La mécanique fureur.

Welcome to Hope, indiquait pourtant le panneau d’entrée de la ville. Le seul Eden, c’est celui du premier plan : une étendue d’herbe ensoleillée sur laquelle des enfants jouent, du linge qui sèche...

le 8 mars 2016

101 j'aime

4

Rambo
Torpenn
7

Bête de guerre

Dès le premier plan joliment automnal sur ce trimardeur qui arrive au loin dans une petite ville calme comme tant d’autre sur la musique de Jerry Goldsmith on se retrouve dans quelque chose de...

le 14 janv. 2014

83 j'aime

5

Du même critique

The Lighthouse
JKDZ29
8

Plein phare

Dès l’annonce de sa présence à la Quinzaine des Réalisateurs cette année, The Lighthouse a figuré parmi mes immanquables de ce Festival. Certes, je n’avais pas vu The Witch, mais le simple énoncé de...

le 20 mai 2019

77 j'aime

10

Alien: Covenant
JKDZ29
7

Chronique d'une saga enlisée et d'un opus détesté

A peine est-il sorti, que je vois déjà un nombre incalculable de critiques assassines venir accabler Alien : Covenant. Après le très contesté Prometheus, Ridley Scott se serait-il encore fourvoyé ...

le 10 mai 2017

74 j'aime

17

Burning
JKDZ29
7

De la suggestion naît le doute

De récentes découvertes telles que Memoir of a Murderer et A Taxi Driver m’ont rappelé la richesse du cinéma sud-coréen et son style tout à fait particulier et attrayant. La présence de Burning dans...

le 19 mai 2018

42 j'aime

5