Quand la citation l'emporte sur la création

Pour beaucoup de raisons, j’ai du mal à me définir comme un cinéphile confirmé ou tout du moins à ma place parmi eux. L’une d’entre elles est que je ne comprends juste pas les consensus autour de certains réalisateurs. Vous m’avez vu venir, ça inclus Spielberg. Qu’on s’entende bien, je crie pas au charlatanisme, mais je vois pas ce qu’il a d’extraordinaire. La plupart de ses grands succès (y compris ceux que j’aime, voir adore) sont somme toutes assez classiques, et le gars étant humain il n’est ni indépassable (mon Jurassic Park préféré est Fallen Kingdom) ni à l’abri de l’échec.


Ready Player One est donc supposé être le grand retour de Spielberg qui décide de causer pop culture… de la pire façon possible. C’est le sujet du film et c’est donc surtout autours de ça que la critique va tourner (bien qu’il y ait d’autres problèmes que j’aborderai).


Déjà un élément fondamental dans la construction du message du film : la valeur des personnages se mesure principalement à leurs connaissances de la pop culture. Tu es quelqu’un de bien ou d’intéressant si tu connais toutes les fun fact de ton PDG- pardon- ta star préférée, si tu connais les significations des pseudos des autres joueurs, et si tu as vu tous les articles hitek sur le top 25 des meilleurs easter egg. Bon alors là on touche à ce qui rend les personnages insupportables : ce sont des coquilles vides. Ce sont des consommateurs purs et durs de pop culture qui, même quand il veulent être rebelles, ne vivent que par le biais de cette pop culture. Et c’est ce que valorise le film : consommez notre pop culture. D’ailleurs vous savez quelle scène nous montre à quel point le méchant est méchant ? Bah en fait il y connait rien en pop culture lol puisque la scène en question nous sort le twist des indics qui soufflent les réponses dans l’oreillette. Et ça me paraît très naïf en plus d’être con : les méchants ne peuvent pas aimer les mêmes choses que moi, c’est pas possible. (Alors que je suis persuadé qu’aussi incompétent en tant que producteur soit-il, Kevin Feige a surement un sacré bagage en comics Marvel.) Ainsi le film sert la rhétorique du faux fan contre le vrai fan. Génial. Les fans de Jurassic World ne peuvent pas aimer Jurassic Park ; les fans de Batman V Superman ne peuvent pas aimer les comics ; les mecs de droite ne peuvent pas aimer Star Trek ; les gauchistes ne peuvent pas aimer Rocky j’en passe et des meilleures.


Et c’est là où le film se vautre. Parce que là où on pourrait voir le climax comme la réunion de tous les fans pour défendre une entreprise- pardon- la pop culture, c’est en fait un combat des vrais fans contre les faux fans. Ce n’est pas une union, c’est une division. Une bien belle vision de notre paysage culturel tient.


Et encore si ce n’était que le message le problème… mais le fait est qu’il est horriblement mal délivré avec peut-être les pires dialogues que j’ai pu entendre dans un blockbuster depuis des lustres.




  • Alors tu es Perceval, celui qui a trouvé le Graal.

  • Et si on parlait de toi Artémis, déesse de la chasse ?



Il faut que j’explique la nullité de ce dialogue ? Que non quand j’étais ado sur des forums avec le pseudo Galeking et que je rencontrai un mec qui s’appelait D4rkSasuke ça ne donnait pas :




  • Je vois, tu es l’armure qui garde toute une montagne.

  • Bien vu, une analyse digne de l'unique survivant du massacre des Uchiwa.



Et tout est nul est forcé niveau écriture. C’est encore pire que la fameuse Attaque des Clones. Et question artificiel on ne fais pas pire dans ce film que les relations entre les personnages. La mère qui n’existe dans le film que pour se faire buter dans une scène dont on se fout parce que de un, la relation mère fils a été expédiée en littéralement deux phrases ; de deux, le personnage n’en reparle plus du film. Enfin merde, Spielberg devrait savoir que pour donner du poids à une mort, on a besoin de vivre le deuil des personnages ?


Et continuons sur les relations de merde avec une romance qui est juste une aberration sans nom. Et ce alors qu’elle avait une base qui, si elle n’est pas parfaite, est intéressante. Tomber amoureux d’une meuf parce que son avatar est sexy, c’est vraiment la preuve que t’es au moins la moitié d’un boomer qui ne s’est jamais renseigné sur le sujet qu’il traite. Mais soit, justement, on dit au personnage qu’il est tombé amoureux d’une image, que si ça se trouve Artémis c’est un mec, ou une moche, ou une vieille, ou un vieux mec moche. Là tu soulèves une question intéressante… que tu ruines complètement en révélant que la meuf est pile dans la tranche d’âge du héros, elle est complètement dans les canons de beauté, elle a juste une tâche de naissance. Ajoutez à cela une absence d’alchimie totale et une relation qui se construit en trois phrases et hop, vous avez votre quota d’hétérosexualité insipide.


Au moins le couple de Godzilla 2 a quelque chose à raconter quant à son sujet et une opposition des points de vue qui créé un débat et une satisfaction avec sa conclusion.


Et puis… il faut parler de la morale de fin. La phrase qui clôt le film, l’ultime message que transmet l’œuvre :



Il n’y a que la réalité qui soit réelle.



Alors… quitte à me fâcher avec les fans de Spielberg, non seulement je vais contredire, mais je vais le faire avec une œuvre peu appréciée. Sword Art Online. En effet cet animé qui a ses gros défauts possède aussi ses fulgurances où il pousse à l’extrême l’impact des jeux-vidéos sur les joueurs. Comment ils peuvent servir de thérapie, comment ils peuvent servir de témoignage de notre passage sur Terre, d’un ultime objectif à se donner avant une mort proche et inévitable, et surtout comment on créé et développe des liens dans des univers totalement virtuels. Parce que la leçon de cet animé, beaucoup plus pertinente que celle de RPO, ce serait que



l’univers est peut-être virtuel, mais nos vécus, les liens que nous y avons développé et nos sentiments sont bien réels.



Alors il y a plein de choses encore qui ne vont pas hein, dont les héros qui se battent contre une minorité qui contrôle la pop culture pour à la fin du film devenir une minorité qui contrôle la pop culture (le népotisme a la vie dure). Ou encore le fait qu’en foirant sa métaphore au lieu de vanter la protection de la pop culture, le film vante la protection d’une entreprise.


Soyez de gentils consommateurs aliénés et prenez les armes pour combattre au nom de votre boite de production préférée.


Mais je vais juste finir sur un film qui, selon moi, correspond bien mieux à ce qu’est la pop culture alors qu'il est lui-même une gigantesque pub : la Grande Aventure Lego.


C’est un film qui dans un premier temps a bien mieux illustré la réunion des publics différents autours d’une même culture ; mais surtout a compris que les références ne sont pas un catalogue avec lequel se la péter, les références servent à construire. La pop culture est un cycle vertueux, où les nouveaux artistes s’inspirent des œuvres (cultes ou non) qui leurs parlent pour créer les leurs.


Pour Ready Player One, la culture c’est la citation. Pour la Grande Aventure Lego, la culture c’est la création.


Petite nuance pour la fin, si le message du film est globalement assez foireux il reste assez inoffensif. Le film n'est pas une insulte c'est pas "grave".




  • Et non, c’est pas en foutant Mecha Godzilla dans ton film que tu me rendras plus indulgent.

  • Même pas un point de plus ?

  • Allez ok.

  • Du coup j’ai combien ?

  • 2/10


HaikoW
2
Écrit par

Créée

le 13 juin 2020

Critique lue 180 fois

3 j'aime

HaikoW

Écrit par

Critique lue 180 fois

3

D'autres avis sur Ready Player One

Ready Player One
Sergent_Pepper
6

The grateful eighties

Le blockbuster a toujours indexé sa hype sur les évolutions technologiques : en essayant d’en mettre plein les yeux à son public, les équipes ont révolutionné d’abord d’inventivité, puis de moyens,...

le 29 mars 2018

161 j'aime

26

Ready Player One
Behind_the_Mask
10

Spirits in the Material World

Que dire ? Que dire à part "C'est génial !" Que dire à part : "Il faut y aller putain ! Que dire à part : "Wouha !" Un petit "Merci Steven ?" Certainement. Car Ready Player One, c'était un fantasme...

le 28 mars 2018

142 j'aime

42

Ready Player One
Gand-Alf
8

Insert Coin.

La nostalgie, c'est quand même bien pratique. Ca nous offre l'occasion de nous replonger avec émotion dans nos vieux souvenirs d'enfance ou d'adolescence, de les enjoliver au passage et de pouvoir se...

le 9 avr. 2018

103 j'aime

23

Du même critique

One Piece: Stampede
HaikoW
5

MC Fanservice feat des CGI

C’est quoi One Piece ? De la baston, oui. Mais c’est aussi des personnages mémorables, chacun avec son histoire souvent tragique et incroyablement touchante, qui se retrouvent embarqués dans une...

le 9 janv. 2020

12 j'aime

1

Men in Black : International
HaikoW
4

MEH in black

On va faire court, car ma passion pour épiloguer n’a d’égale que ma hantise du remplissage. Opinion personnelle pour le contexte : le premier Men in Black est cool, les deux autres non. C’était le...

le 12 juin 2019

9 j'aime

6

Scooby !
HaikoW
3

Scooby Douche Froide

On annonce un nouveau film Scooby-Doo. Les gens ne sont pas emballés et c’est compréhensible au vu des précédents. Et puis miracle : les premiers visuels tombent, ça a l’air joli, ça a même un...

le 19 mai 2020

8 j'aime

2