Une petite fille nommée Réalité est intriguée par la VHS qu'elle a vu sortir des entrailles du sanglier que vidait son père. Pendant ce temps-là, un réalisateur a 48h pour trouver le meilleur gémissement de l'histoire du cinéma pour obtenir le financement de son premier film.
Alors que je m'inquiétais de voir Dupieux se vautrer dans sa complaisance, le monsieur oiseau parvient tout de même à me surprendre et m'enchanter avec Réalité. Surtout, il m'apparaît ici beaucoup plus subtil, moins tape-à-l'oeil alors que paradoxalement sa déformation de la réalité est ici poussé à son paroxysme. Je me demande si cela ne vient pas de ses acteurs français (notamment Chabat et Lambert), qui s'ancrent dans un naturel absurde là où la plupart des habitués américains chez Dupieux aiment en faire trop pour marquer l'ironie et le décalage. Ici, Chabat construit un personnage en prise avec différentes couches de réalité mais le naturel avec lequel il le fait marque encore plus l'absurdité des situations. En masquant la détresse, il exacerbe le délicieux décalage de situations extrêmement méta (on pourrait presque dire que Réalité est la définition du métacinéma) et c'est là où est l'intérêt du film.
Pour moi, Réalité n'est pas un film labyrinthe car la réalité du film dépeint par Dupieux est un serpent qui se mord la queue et il le montre de façon extrêmement ingénieuse ; la réalité dont on parle n'est pas celle vécue par les personnages mais celle vécue par le spectateur. En le mettant face à un langage cinématographique réinventé, Dupieux nous empêche d'avoir la moindre prise avec ce que l'on voit et mêle dans un même univers rêve, fiction, réalité... Au final, il me semble que par ces différents procédés, Dupieux nous montre que l'objet cinématographique est à l'inverse de ce qu'est la réalité et que la seule réalité qui existe au cinéma est celle de l'expérience vécue par le spectateur.