Le zombie de [REC] n’est pas celui du folklore Vaudou et encore moins celui du mythe Romerien. Il y en a deux types dans ce film : Celui que l’on voit et celui qu’on ne voit pas. Le premier est possédé par la rage primale et carnassière d’une entité démoniaque, il est aussi bien plus véloce et agressif que le mort-vivant traditionnel amateur de cervelle, tandis que le second reste avachi devant son écran de télévision, souvent addict à la désinformation qui n'a pour vocation qu'à tromper l’ennui. Toute la communication autour du film reposait sur les réactions horrifiées des gens dans les salles obscures. On sera donc moins surpris par la tournure des évènements lorsque ce documentaire suivant le quotidien d’une brigade de pompier va se mettre à décoller et devenir un peu plus passionnant qu’à l’accoutumée. Toute la brigade est dépêchée pour contenir les crises d’hystérie d’une personne âgée. Les forces de l’ordre sont sur le pied de guerre mais l’intervention dérape et dans le feu de l’action la grand-mère qui vocifère est abattu, laissant le soin aux journalistes présents sur place de couvrir cette dramatique bavure policière. Mais ce n’est que le début, puisque l’un des sauveteurs tombe accidentellement du 3ème étage et finit par s’écraser violemment sur le parvis du hall d’entrée. L’immeuble est confiné par les autorités, personne ne peut sortir ou entrer sans un laissé passer sous peine d’être abattu sans sommation. Les résidents vont devoir mettre de côté les éternelles querelles de voisinage pour s’entre-aider afin d’en réchapper mais ils auront évidemment commis l’erreur communément fatale à tous les récits de survivants en temps d’épidémie, celle de n’avoir pas sût contenir la contamination dont la morsure reste le principal vecteur de propagation.


Les films de Zombies sont donc de retour après une diète d’une bonne dizaine d’années. Le nouveau millénium marqué par les guerres, le terrorisme, les conflits et les luttes sociales étaient vraisemblablement le terreau idéal pour l’aider à renaître. Les cimetières sont en jachères, prêt à être ensemencé par de nouvelles victimes atteintes du SRAS, de la grippe aviaire et de la connerie humaine dans toute sa splendeur d’être. Jaume Balaguero et Paco Plaza ont donc choisis la forme du Found Footage non pas pour répondre à la demande croissante d’un genre en voie de popularité, mais bien pour redéfinir le champ d’horreur anthropophage sans ménager le spectateur de gros effets de terreur. Le danger parait omniprésent, infatigable, il fond vers l’objectif en criant les yeux maculés de sang. [REC] répond à une logique de mode, celle de ses émissions de télé réalité, et des reportages plus sensationnalistes que véritablement informatifs. Les journalistes s’investissent d’une mission qui n’a rien de franchement altruiste : celle de continuer de filmer à tout prix quitte à envahir l’intimité des gens et trahir leur confiance pour nous abreuver de leur témoignage et d’ images chocs plus vrai que nature, à une époque où l’on peut voir du contenu sensible et offensant à simple portée de clic. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le duo de réalisateurs ont jetés leur dévolues sur l’animatrice télé Manuela Velasco pour en faire leur principale interprète et ce qui permet également de mieux brouiller la frontière entre fiction et réalité.


Au-delà de cette peinture cynique des médias, le film est une bouffée revivifiante dans un genre qui peine depuis longtemps à se renouveler et qui s’était un peu perdu dans la satire et l’humour noir (Du Retour des morts-vivants de Dan’O Bannon, au génial Dellamorte Dellamore de Michele Soavi, à Shaun of the Dead de Edgar Wright). On retrouve également des thématiques plus socialement ancrés de l’autre côté des Pyrénées, celles liés aux difficultés d’intégration et aux troubles de voisinage entre voyeurisme et propos médisant de certains personnages comme le concierge de l’immeuble ou ce vieux garçon interviewvé qui cherche à obtenir son meilleur profil pour mieux passer à la télé. Cette ambiance faite de peur et de défiance laisse aussi planer un climat délétère ce qui avait auparavant déjà été esquissés dans un film comme Malveillance du même auteur, ainsi que Mes Chers Voisins du trublion Alex de la Iglesia qui n’a jamais eu son pareil pour dresser un portrait au vitriol des institutions espagnoles et de ses individualités qui la composent. Le pays reste ainsi hanté par l’héritage du Franquisme dont se nourrissent les films d’horreur afin d’en évacuer les traumatismes même si cette référence n’est pas la plus évidente à posteriori surtout si on devait le comparer à des films comme L’Echine du Diable, Le Labyrinthe de Pan ou bien l’Orphelinat. Contrairement à l’habituelle descente aux enfers du genre, il s’agit ici de remontée jusqu’aux origines du mal tapit dans l’appartement le plus haut du bâtiment, afin d’y trouver un refuge sécuritaire totalement illusoire et de lever le voile sur le mystère entourant le fameux patient zéro. C’est dans cette atmosphère mortifère et vicié où ne règne que la loi du silence, que les deux derniers survivants joueront à une partie cache-cache dans le noir avec la locataire. Toutes les informations relative au mal sont délivrés dans l’antre de la sorcière à grand renfort de coupure presse et d’enregistrement audio qui ne laissent que peu de place à l’imagination. Comme souvent dans la culture ibérique, on sent pointer le spectre de la religion ce que viendra d’ailleurs confirmer l’opus suivant.

Le-Roy-du-Bis
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le 10 nov. 2023

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Le Roy du Bis

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