Un ours, un aigle, et, entre eux... Un simple moineau.


Avec le visage de Jennifer Lawrence. Tout en rondeurs presque poupines, et mangé par une large frange blonde.


Pour tout dire, cela choque un peu. Red Sparrow désarçonne le temps de quelques secondes où apparaît pour la première fois à l'écran son héroïne. Juste après une scène des plus emblématiques du film d'espionnage, cette rencontre nocturne, dans un parc, entre un agent et sa taupe. Le classicisme est total. Il sera constant tout au long du film.


Aux antipodes d'un Bond, encore plus d'un Atomic Blonde, dont l'idée de la seule comparaison laisse le masqué des plus songeurs, Red Sparrow évolue à pas feutrés, à sa propre cadence, comme s'il ne donnait au spectateur, dans un premier temps, que modérément, afin que le charme agisse sur le long terme. A tel point que, dans une atmosphère sombre, sèche, parfois funeste, couplée à une réalisation sobre et assez classieuse, on ne voit pas passer les 2H20 du film, ce qui est suffisamment rare pour être signalé.


En explorant tout d'abord la Red Room, dans laquelle on pourrait s'attendre à voir une Black Widow traverser l'écran, Red Sparrow, qui a déjà bien malmené son moineau et rendu prisonnier, suscite immédiatement l'intérêt en déconstruisant le personnage principal et en le confrontant à la déshumanisation nécessaire à la mise en place de la manipulation. Les images sont crues, les situations le sont tout autant. L'emprise est là.


Elle sera mise en pratique tout au long de l'intrigue, où chacun se surveille, fait pression, extorque et sollicite. Le moineau est relativement trouble, ne reculant devant pas grand chose pour arriver à ses fins. On ne rallie pas l'aigle à sa cause en étant une oie blanche.


On se demande longtemps où Red Sparrow va emmener son espionne, entre danger et opacité des relations et des combines silencieuses. Le film est littéralement animé par la reformation du duo initié par quelques Hunger Games. Devant la caméra, Jennifer étincelle, nourrit une figure de femme forte tout en s'affranchissant de son image glamour, comme si elle était écrasée par l'atmosphère froide installée par Francis derrière la caméra. Celui-ci, loin des débordements graphiques de Constantine, se montre au contraire posé, dans un style raffiné, secoué par quelques irruptions d'une violence sèche parfois saisissante. Il arrive même à conférer à Red Sparrow un caractère assez intemporel à l'histoire qu'il raconte, alors que le simple nom de guerre froide suffit en général à faire un bond de cinquante ans en arrière...


Vous le comprendrez, Red Sparrow a enthousiasmé le masqué, qui était loin de s'attendre à pareille réussite. Même si le film n'ose pas aller jusqu'au bout dans l'ambiguïté de son personnage, cédant dans sa dernière ligne droite à une résolution assez consensuelle.


Le film souffrira peut être aussi aux yeux de certains de son classicisme misant beaucoup plus sur son atmosphère que sur son action pour séduire, ainsi que sur son aspect bien plus mature que d'habitude pour ce type de productions.


Traversé enfin par des seconds rôles savoureux et euphorisants (car rares à l'écran), comme Mary Louise Parker, Joely Richardson ou Jeremy Irons, Red Sparrow s'impose comme une insolente réussite qu'il serait bien dommage de dédaigner.


Ce qui, à la lecture des critiques mitigées disponibles sur le site, semble malheureusement déjà arriver.


Merde...


Behind_the_Mask, qui hésite entre les moineaux et les rouge-gorges.

Behind_the_Mask
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Une année au cinéma : 2018 et Les meilleurs films de 2018

Créée

le 5 avr. 2018

Critique lue 5.7K fois

66 j'aime

18 commentaires

Behind_the_Mask

Écrit par

Critique lue 5.7K fois

66
18

D'autres avis sur Red Sparrow

Red Sparrow
L9inhart
5

Paradoxe temporel

Red Sparrow est un film qui ne laisse pas indifférent. Sur la forme, on peut saluer le financement d’un film de studio aussi violent, qui parle d’humiliation par le sexe, de torture, de meurtre...

le 3 avr. 2018

62 j'aime

2

Red Sparrow
DanyB
7

Soft Power, Girl Power, Sex Power, Spying Power...Cinephilic Power?

Ecole élémentaire des clichés, bonjour! -Vodka? Présent ! -Toque en fourrure? Présent ! -Ballerine? Présent ! -Superbe blonde trop maquillée qui fait vaguement travailleuse de l'Est? Présent...

le 15 avr. 2018

48 j'aime

4

Red Sparrow
Frédéric_Perrinot
4

JLaw show

Depuis le succès des Hunger Games et de sa popularité montante au sein de la profession, notamment grâce à ses exploits chez David O. Russell, on assiste petit à petit à la naissance d'un genre, le...

le 11 avr. 2018

34 j'aime

4

Du même critique

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

204 j'aime

54

Star Wars - Les Derniers Jedi
Behind_the_Mask
7

Mauvaise foi nocturne

˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...

le 13 déc. 2017

189 j'aime

37

Logan
Behind_the_Mask
8

Le vieil homme et l'enfant

Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...

le 2 mars 2017

181 j'aime

23