J’ai revu le film hier soir, presque 30 ans après sa sortie de 1994.
Je reste toujours très sensible à la construction narrative qui tisse les destins, et les parallèles psychologiques. Au-delà de la poésie même du titre, cette histoire de vie brisées est portée par un script exceptionnel. L’ouverture du film avec la seule voix de Jean Yanne personnage perdu dans une litanie commerciale, ce quasi monologue extérieur se poursuivra tout le long du film, y compris lors des scènes de « dialogue » avec Mickey, c’est à mes yeux l’un des plus beaux rôles de cet acteur, par ailleurs la justesse des dialogues entre Jean-Louis Trintignant (tout aussi bluffant dans son incarnation d’un personnage qui oscille entre distinction et déchéance scabreuse) et Mathieu Kassovitz permet d’adhérer au pris sans doute d’une certaine vraisemblance. Si réalisme il y a, c’est sans doute dans le montage extrêmement vif de scènes aux esthétismes contrastés, alternance de la crudité et de la violence sociale liées à la grande errance, et d’un certain lyrisme (gros plans qui magnifient les visages de Jean-Yanne et de Jean-Louis Trintignant, sous une lumière et une photographie qui soulignent des regards lourds d’existence).