Mon premier Werner Herzog n’aura pas été l’une de ses dantesques références, Aguirre, la colère de Dieu et Fitzcarraldo en tête de file, mais le modeste Rescue Dawn : pensant découvrir un rutilant film de guerre, il n’en est finalement rien au gré d’une séquence aérienne visuellement bancale, parfaite illustration de moyens globalement au rabais (« seulement » dix petits millions de dollars de budget).


Son envergure formelle et sa pyrotechnie paraissant tout du long fauchées, force est de constater que les prétentions de ce récit inspiré de faits réels sont toutes autres : sur ce point, les vertus documentalistes que l’on prête au cinéaste allemand sont ici prégnantes, sa mise en scène souvent contemplative et un usage bien senti des décors composant un tableau immersif malgré tout. Tirant parfaitement parti de la jungle thaïlandaise, Rescue Dawn élabore une ambiance comme hors du temps, notamment en posant un regard plus « intimiste » d’un conflit connu pour son extrême sauvagerie physique... et morale.


Il faut dire que de par son positionnement temporel (1966), les mésaventures de Dieter Dengler favorise un regard moins frontal : avec l’implication récente et croissante de l’interventionnisme américain, les « premiers » prisonniers que côtoiera l’aviateur vont rendre subtilement compte de l’inconnue régissant leur futur, alors corrélé à une guerre à l’issue indéchiffrable. Confinée dans sa majorité au sein du camp, l’intrigue se concentre donc sur une brochettes d’individualités sans repères, et il s’avère que cette lecture « micro » d’un tel pan de l’Histoire est passionnante par bien des aspects.


Faut-il néanmoins y déceler une verve réaliste prédominante ? Oui et non. Car si l’on peut comprendre que Rescue Dawn s’arrange de quelques détails, ces mêmes arrangements ne sont pas tous de très bon goût. D’entre tous, le protagoniste qu’est Dieter fini ainsi par dénoter : opiniâtre, rarement pris au dépourvu et ce satané sourire insolent aux lèvres, le bougre exacerbe l’édulcoration d’un véritable traumatisme pourtant ponctué de tortures, privations et dangers divers et variés. Qui plus est, la prestation de Christian Bale m’aura tout bonnement laissée dubitatif tant elle accroît l’empreinte « hollywoodienne » du personnage, dressé en leader frais et pimpant d’un groupe marqué du sceau du désespoir.


À ce titre, et dans une veine plus positive, comment ne pas rendre hommage au travail fourni par Steve « Duane » Zahn et Jeremy « Gene » Davies ? Offrant deux présences « hallucinées » au récit, ces derniers retranscrivent avec un brio dément les conditions d’un tel isolement, soumis au bon vouloir de geôliers/bourreaux brutaux. Mais là encore, nous pourrions nous interroger sur les choix qu’opère le récit à leur sujet, le premier connaissant un funeste destin archi-mal négocié dans son exécution (elle permettra ensuite de redorer la « vraisemblance » de Dieter, mais bon) quand l’instabilité du second verse dans un excès peu à peu pesant (la famille DeBruin en tiendra d’ailleurs rigueur à Herzog et consorts).


Bref, Rescue Dawn aura pris de malencontreuses libertés à même de saper son impact émotionnel, quand il ne s’agit pas tout simplement d’un manque de doigté : en guise d’exemple, son dénouement supposément « libérateur » et « enthousiasmant », notamment par l’entremise de cette « évasion » en terrain ami et d’un bain de foule chaleureux, n’est guère remuant. La raison tient dans les points sus-cités, mais également dans l’usage des rôles secondaires initiaux, la narration ne brossant aucun portraits et expédiant purement et simplement leur introduction (Dieter compris).


Il y avait matière a mieux faire, c’est évident... et donc regrettable. Mention passable en somme !

NiERONiMO
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le 27 sept. 2019

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