Cher abonné, je vais te donner une astuce. Si tu vois mon masque de tueur s'approcher de toi, et surtout, si mon bras droit se lève au dessus de ma tête avec une machette qui pointe dans ta direction, si tu veux survivre, tente de faire une même phrase en ajoutant le terme "comédie française" aux noms de "Eric Lavaine" et "Alexandra Lamy". Tu verras, l'effet sera immédiat : après avoir émis un râle d'agonie, je prendrais certainement mes jambes à mon cou tout en hurlant à la lune. Ta vie en sera prolongée de quelques douces et heureuses années et ta tête ne viendra pas rejoindre mon mûr de trophées déjà bien fourni.


Tout ça pour te dire que Retour chez ma Mère, c'était loin d'être gagné. Et que même, je trainais des pieds. Mon exploitant te dira certainement qu'il m'a surpris en train de m'accrocher vainement aux portes battantes pour ne pas rentrer dans la salle, ou encore que je disais, entre deux sanglots, que j'allais perdre tout mon mojo durement acquis sur SC. Ne le crois pas. Car j'ai quand même ma dignité.


C'est que finalement, Retour chez ma Mère offre bien plus que son argument titre, mine de rien. C'est sa force, mais aussi sa faiblesse pour les plus sévères comme moi.


Je m'explique : ce que vous avez vu dans la bande annonce n'est qu'une vague première partie, qui dérive assez vite vers un propos plus large, ou fourre-tout selon le point de vue. Celui qui vous fera dire que Retour chez ma Mère se présente comme quelque chose d'assez riche. Ou au contraire, que l'on a finalement affaire à un triplex mal agencé mais qui possède après tout un certain charme. La description de la génération boomerang et de sa situation sonne assez juste, tout comme les difficultés qu'elle rencontre. A ce titre, la scène hallucinante du Pôle Emploi n'est que le strict reflet de la réalité, celle qui navre et décontenance.


Dommage que cet aspect ne soit que survolé, comme beaucoup d'autres. Car devant Retour chez ma Mère, j'ai eu cette impression tenace que le propos restait constamment en surface et que le film sonnait parfois creux alors que les thèmes abordés sont multiples. Paradoxe étrange qui se répète. Car une fois cet épisode évacué, il en est de même avec la cohabitation forcée avec une Josiane Balasko impériale. Deux ou trois tentatives de "gags", quelques lieux communs sur les habitudes du troisième âge et hop, fini.


Et on passe à ce qui, pour moi, contient tout le sel de la dernière réalisation d'Eric Lavaine : le repas de famille qui tourne à l'aigre. Les reproches y fusent, les remarques vachardes s'enchaînent entre le frère et les deux soeurs. Tout y passe dans un humour parfois méchant et un rire amer qui se faisaient rare dans une comédie française qui s'évertue à rester gentille et à ne froisser personne dans l'eau tiède de son propos. C'est ce volet qui est le plus réussi dans Retour chez ma Mère, dessinant des relations conflictuelles au sein d'une famille éclatée, la rancoeur sourde et à fleur de peau quand il s'agit d'argent.


On se dit qu'Eric Lavaine tient bon la barre de son bateau. Mais cela avant que, misère, il n'exécute un rétro pédalage effaçant les vacheries et peignant des personnages aux antipodes de leurs réactions au cours du dîner. Ainsi, Lavaine trouve des excuses et absout des gens qu'il avait pourtant fait mine de montrer sous leur vrai jour. Dommage de renier de la sorte cet aspect le plus séduisant de Retour chez ma Mère, qui se laisse finalement glisser sur la pente du politiquement correct et de la résolution facile des conflits qui l'irriguaient, avant de punir une méchante amie et de précipiter l'acceptation du nouvel amant de maman... Ce dernier volet de l'histoire était aussi bien vu en ce qu'il s'attardait sur cette génération obligée de composer dans une cohabitation maladroite et contre nature des vies de deux personnes du même sang. Mais encore une fois, cette relation survolée ne convient qu'à moitié...


J'ai pourtant bien ri, parfois, devant Retour chez ma Mère, pas de doute. Le film m'a même fait passer la présence au générique d'une Alexandra Lamy que je ne porte pas dans mon coeur, pour ne pas dire autre chose. Mais à d'autres occasions, Lavaine se perd dans des tentatives de recycler la mécanique du rire "Weberienne" du gag ultra écrit. Pour le pire, malheureusement, en deux occasions assez tristes et embarrassantes.


Lavaine souffle donc, avec Retour chez ma Mère, le chaud et le froid. Mais pourtant, impossible de longtemps lui tenir rigueur de certains de ses égarements. Car on a l'impression qu'avec plus de rigueur dans l'écriture, moins de dispersion dans la construction d'un film qui multiplie les thématiques sans les embrasser totalement, on tenait là, sinon un film générationnel, au moins un long métrage fun et vachard sur la vie de famille et ses difficultés.


Dommage.


Behind_the_Mask, qui baisse le chauffage et coupe le sifflet à Francis Cabrel.

Behind_the_Mask
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le 28 juin 2016

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