Revenge, c'est ma première grosse émotion de cinéma pour 2018.
Un film viscéral, dérangeant et détonnant sur un pitch simple, voire carrément cliché. Une escort sexy à tomber se retrouve à la merci de trois pauvres types pétés de thunes et tout-puissants. La suite, on la devine très rapidement : ça ne pourra pas bien se finir.
La surprise de taille : le film est français, et il y a de quoi être foutrement fier. Les plans d'ouverture annoncent la couleur : une photographie magistrale, majestueuse et calculée au millimètre près, une bande-originale puissante de A à Z, tout en pulsations électroniques, en vagues aguicheuses ou en basses violentes et magnétiques. C'est là tout le charme du métrage, dépassant de loin son scénario réduit à son maximum, pour en transcender les limites et jouer de ce décor auquel on s'attache rapidement (villa sublime sans excès, désert angoissant et désespérément vide de tout semblant de civilisation).
Le casting est convaincant, avec bien évidemment en tête la performance impeccable d'une Matilda Lutz plus belle que jamais, au fur et à mesure que le sang, la poussière et la sueur l'érigent en une figure guerrière, à la fois déterminée, terrifiée et véritable ange de mort. Kevin Janssens n'est pas en reste, de par sa stature imposante, et sa mutation progressive (du bellâtre riche à en crever, il en devient une figure presque monstrueuse, soulignée par son physique impressionnant, tout en muscles et en souplesse, prédateur). Vincent Colombe trouve lui aussi sa place à travers le personnage de Stan, comic-relief intéressant, tout en étant celui par lequel tout dérape, vicieux, lâche et chouineur.
L'humour est pour beaucoup dans l'adhésion à l'histoire, à la violence et à la profusion de sang qui part en giclées la fleur au fusil, en un hommage sympathique au maître du genre : Tarantino. Jamais trop lourd, toujours surprenant, il répare le lien brisé par les péripéties parfois rebutantes des différents protagonistes, tous mis à l'épreuve et confrontés aux blessures de la chair, les faisant choir de leur piédestal initial. Car Revenge est avant tout un film sensuel, dans la mesure où il est capable de nous faire ressentir soif, fatigue, douleur et terreur sans mal, d'un plan à l'autre, et toujours propulsé par ses mélodies entêtantes et autres bruitages judicieux. Revenge suinte, pisse le sang par tous les pores, ne ménage ni n'excuse personne en évitant de tomber dans une guerre des genres inutiles. Coralie Fargeat ne cherche pas à régler ses comptes avec la société des hommes : elle énonce, simplement, les dérives qui agitent chaque jour le monde de la prostitution (ou pas), les sévices faits aux femmes, et érige de toutes pièces cette Lara Croft bien plus convaincante que le modèle original. La sexualisation du personnage fera probablement hurler les féministes que je méprise du fond du cœur, elle m'est pour ma part aussi délicieusement clichée qu'agréable à l'œil et pertinente tout au long du film.
On pourra souligner une profusion de plans incroyables, réfléchis et efficaces, transformant le visionnage de Revenge en un concentré de fun, d'émotions fortes et de plaisir pur, jouissif.
Je ne m'attarderai même pas à énoncer les micro-détails m'empêchant d'élever une note généreuse et méritée. Ça ne vaut pas le coup.
Courez voir Revenge, et osez me dire après ça que le cinéma français n'a plus les couilles de produire une œuvre aussi viscérale que celle-ci.
Affaire à suivre !