Revenge
7.5
Revenge

Film de Tadashi Imai (1964)

Souffler dans la conque, prendre le katana, lever la lance, prendre la route...

D’après un scénario du très prolifique Shinobu Hashimoto, à qui l’on doit les scripts de Rashômon, La Forteresse Cachée et Vivre de Kurosawa et du Hara-Kiri de Masaki Kobayashi, ainsi que le Sword Of Doom de Kihachi Okamoto, entre autres, excusez-moi du peu… Adauchi (Revenge) est un chambara/Jidai-Geki (au choix...) nihiliste d’une grande puissance qui fait exploser les notions d’honneur et de dévouement au maître dans un déchaînement de fureur absolue.


En cinéaste anarchiste, le réalisateur Tadashi Imai à qui l’on doit l’excellent Bushidô Zankoku Monogatari (Contes Cruels du Bushido) fait exploser les codes du genre dans une montée progressive en puissance qui débouchera sur un final brutal et nihiliste à la manière d’un Hideo Gosha ou d’un Kenji Misumi.


Après avoir réalisé plusieurs films de propagande pendant la seconde guerre mondiale, comme bon nombre de grands cinéastes japonais, il a acquis une réputation d’homme de gauche dans les années 50 en devenant l’un des spécialistes du drame à connotation sociale.


"Après avoir tué, en duel, un samouraï de rang supérieur du clan Okuna l’ayant provoqué et humilié, Shinpachi Ezaki, interprété par Kinnosuke Nakamura, est condamné à l’exil pour folie. Le clan de la victime de ce jeune homme fougueux demande un duel de revanche. Dès lors, Shinpachi subira la pression de son entourage qui désire laver l’affront et du clan Okuna qui réclame réparation au nom d’un certain code rétrograde."


D’une montée progressive vers l’inéluctable, en utilisant des procédés de flash-backs et d’allers et retours dans le passé, Imai installe une sorte de climat malsain en démontant peu à peu toute les structures du chambara classique en faisant exploser les codes. La vengeance, qui demeure l’une des grandes thématiques du genre, est ici mise à contribution dans un contexte inhabituel car elle ne revêt pas l’aspect d’une cause héroïque, mais est appliquée à contrario dans une sorte d’injustice de circonstance qui remet profondément en cause ses fondements.


Les combats sont eux aussi totalement déstructurés et à mille lieux des joutes élégantes basées sur l’observation et le mouvement juste. Nakamura y incarne un épéiste qui semble pris d’une sorte de panique lors des duels qui en fait un animal apeuré, grimaçant et transpirant. Il semble posséder une force et une puissance qu’il ne maîtrise pas et un style pas vraiment académique. En cela son personnage est peu coutumier du genre, montrant la plupart du temps des combattants vaillants ne négligeant jamais leur style.


La performance de Nakamura est d’ailleurs remarquable, donnant à son personnage une sorte de folie d’animal blessé qui donnera un final monstrueux dans la lignée des plus grands chambaras.


La réalisation de Tadashi Imai est très soignée, son utilisation des paysages naturels dans un somptueux noir et blanc, confère à ce film une aura de film esthétisant dans la lignée des grandes épopées guerrières d’Akira Kurosawa ou de Masaki Kobayashi. Remettant en permanence en cause les codes héroïques du genre, il donne à son film un aspect fortement nihiliste qui lui donnera une réputation de cinéaste contestataire.

philippequevillart
8

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le 30 avr. 2019

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