Dans le Rape and Revenge, Fargeat propose quelque chose de vraiment sympa. Peut-être le film aurait gagné en exaltation si l'autrice avait insisté sur le paroxysme des situations plutôt que de faire du remplissage par des effets de style soporifiques. Étant donné que le scénario tient sur un post-it, la réalisatrice profite des décors désertiques marocains pour faire sentir la sueur et les hémoglobines par la longueur des plans, à priori c'est cohérent, or une impression de remplissage se fait sentir par la vacuité des dialogues et le vide abyssal sur le plan esthétique (on est loin d'un travail d'esthète à la Antonioni ou Refn pour prendre un exemple contemporain). De plus, la réalisatrice installe un faux équilibre, elle joue à la fois sur le ridicule et des tensions sérieuses, ce qui n'est pas une mauvaise idée. Le problème c'est qu'ici le ridicule l'emporte sur le sérieux. En effet prenons la scène de viol qui dans ce type de film fait toujours office de basculement glaçant, or ici, si Fargeat a eu la bonne idée de la produire en hors-champ — n'assouvissant ainsi pas les pulsions des incels — sauf que la viscéralité qui en découle est désamorcée par la situation hilarante qui précède le hors-champs, ainsi le rire règne sur la stupéfaction. Pour remédier à ce problème, pour brouiller la frontière du rire et du sérieux, il faut utiliser des procédés paroxystiques quitte à tomber dans la caricature, car avec ce procédé on supplante le ridicule par l'effroi, gardant ainsi une authenticité sinon nous sommes dans un Scary Movie où le rire est assumé. Généralement l'emploie du paroxysme dans les scènes d'action ne permet pas à la caricature de souiller les tensions. Les meilleurs exemples à ça resteront sans aucun doute les wu xia pian ou les films de Woo, trois exemples concrets : Duel to the death, Run and kill, Une balle dans la tête.
Sinon l'autrice nous fait honneur de quelques symboliques ingénieuses — dont certaines assez ironiques comme la scène de la fourmi en ralenti — mêlés aux effets de styles qui permettent d'accentuer l'ampleur d'une vengeance ultérieur mais aussi icôniser et hisser l’héroïne au statut de femme badass à défaut d'une quidam sur-déterminée comme c'est souvent le cas avec ce sous-genre horrifique. Ici Fargeat en fait presque une figure mythique, Jeanne d'Arc renaissant tel un Phoenix.
Également l'autrice nous prouve que le gore n'est pas réservé qu'aux phallocrates, la séquence finale en est une démonstration assez folle. On déguste la scène comme l’héroïne qui déguste le maniement d'un phallus sniper. On combat le phallus par le phallus.
Enfin, Fargeat aurait pu aller encore plus loin dans les confrontations, car leur vivacité parait finalement assez plate, à l'image de ce désert quelque part (je pense notamment au jeu du chat et de la souris avec la deuxième victime), malheureusement pour combler cette impression de platitude et de trajectoire unidirectionnel, la réal passe par des effets de style évidents — tremblements de caméra — qui, avec un regard mûri, sont juste superflus. La réalisatrice aurait pu justement se servir des reliefs pour faire des cascades mêlant le corps et en cas d'un manque de budget jouer sur le montage comme cache misère. Là on se rapprocherait d'un fonctionnement hongkongais mais si c'est mis en scène avec ferveur et ambition alors le montage ne dénuera pas l'organicité des scènes.