L'histoire se passe à Strasbourg dans la "Maison Mimir" qui est une ancienne maison alsacienne abandonnée devenue un lieu de rencontre et de partage. Cette machine à rêves nécessite un chantier pour pouvoir être mise aux normes. On est donc plongé dans ce chantier et dans cette drôle de communauté.


Les personnages sont tous des êtres forts qu'on prend plaisir à rencontrer. Renaud, le leader charismatique qui s'interroge sur l'avenir de la maison suite à son départ. Eugénie, la nouvelle tête forte qui fait tout pour que la maison puisse continuer à s'auto-gérer peu importe ses membres. Guillaume, l'homme qui se donne à fond pour que le chantier avance jusqu'à en perdre sa motivation. Daniel, l'homme qui voit la maison comme un symbole fort et qui tient des discours très inspirants. Flo, l'homme qui est né dans la maison comme il le dit si bien. Et tous les autres, qui vont et qui viennent...


La retranscription des pensées et des sentiments des personnages est ce qui anime le film et que la réalisatrice à réussi à capter parfaitement avec sa caméra à l'épaule. On retrouve donc des moments inattendus et drôles du chantier (comme des petites gaffes ou encore le remplissage des dossiers de conformité), mais également des moments beaucoup plus sérieux et inspirants comme les discours de Renaud et Daniel. La longueur des travaux et l'impression que cela n'avance pas est également très bien retranscrit à travers les déceptions et le découragement de Guillaume. Une magnifique scène a également lieu au milieu du film avec Renaud qui est totalement isolé des autres personnages et a le regard pensif et absent en pensant aux travaux qui n'avancent pas. L'inquiétude par rapport à l'avenir de la maison est également mise en valeur par de multiples déconvenues qui nous sont racontées mais non vues (comme par exemple le vol, les squatteurs, les délits, ...). La caméra capte également des moments simples et beaux avec des animaux, ce qui apporte légèreté et sourires.


La centaine d'heures filmées a également permis de capter des scènes très spéciales et qui font également le charme du documentaire. On se souviendra, par exemple, de la personne qui, pour déplacer des pierres, utilise une cagette qui se casse en direct suivi d'un regard furtif lancé vers la caméra. Ou bien encore la personne qui commence à utiliser un escabeau alors qu'une autre personne commence à essayer de descendre en même temps. La réalisatrice a également le sens de l'improvisation et arrive à détourner la caméra de son objectif pour être plus proche de la scène. Par exemple, lors du discours de Flo et qu'une scie sauteuse se met en route ou encore lorsque Flo se met à chantonner en faisant allusion aux goélands et que la caméra se retrouve à naviguer dans le ciel bleu pour filmer les oiseaux. Par ailleurs, la réalisatrice peut sembler en retrait par rapport à tout ce qui se passe notamment lorsque les personnages ont besoin d'un coup de main. Néanmoins grâce à l'apparition en caméo de celle-ci faisant la vaisselle, on comprend que ce manque d'implication n'est vrai que dans ce qu'il nous est donné de voir et cela afin de ne pas dénaturer la spontanéité des personnages dans les différentes scènes.


Cette maison peut être, en se rapprochant d'une vision animiste, perçue comme une sorte d'être vivant qui évolue et dont la cour centrale peut être perçue comme son cœur. Le feu lors du concert y montre la passion qui émane de cette maison mais qui nécessite aussi d'être entretenu. L'ensemble de trous et de terre montrent que la maison souffre. La pluie qui inonde la maison comme si elle était noyée dans son triste sort mais qui finalement se transforme en eau à boire. La neige qui symbolise cette période d'inaction et de repos avant la suite de la reconstruction. Les débris éparpillés qui montrent que la maison essaye de se reconstruire en faisant du rangement. Puis, les graffitis et les décorations qui n'évoluent guère et lui permettent de garder une part de son identité. Et finalement la joie qui se dégage en son cœur quand enfin elle a enfin été prêté à accueillir des gens chez elle à nouveau.


Le film n'utilise pas de voix off et les seuls textes utilisés sont au début et servent de courte introduction. Ce manque d'information permet au spectateur de se faire sa propre idée de ce qu'est cette mystérieuse maison en récoltant au fur et à mesure la vision des différents personnages. Ainsi, on entend de Flo que « Je serai pas l’homme que je serai aujourd’hui si je n’avais pas rencontré Mimir » ; on entend aussi Aldo disant joyeusement en entrant dans la maison « La porte du paradis... et ses anges » ou encore un autre personnage disant que « La maison Mimir est une véritable machine à rêves ». La maison reste donc perçue comme assez énigmatique avec une définition plus claire de ce qu'elle est seulement au milieu du film lorsque Eugénie l'explique à des nouveaux bénévoles. Chacun a sa propre définition mais une chose demeure : Mimir est un lieu de rêve et d'échange où tout le monde est accepté. Un lieu où l'on peut vivre différemment pour enfin vivre. Mimir permet à chacun d'y évoluer avant de continuer son bout de chemin. Pourquoi pas un film dans 10-20 ans pour voir les nouvelles têtes qui animeront la maison comme l'a évoqué avec intérêt la réalisatrice. En attendant, il ne nous reste plus qu'à franchir cette porte du paradis afin de le découvrir de nos propres yeux.


Un film sur un sujet profondément humain et qui est sublimé par la caméra de la réalisatrice captant au mieux l'instant et les sentiments de ses personnages.

Tanao
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le 25 nov. 2019

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