Reconstruire le puzzle de la vie

Revoir Paris était un pari risqué pour la réalisatrice Alice Winocour. Parler des attentats de Paris sans tomber dans le sensationnalisme, le mélodrame ou le voyeurisme n'était pas si simple, tant les événements de 2015 remuent les affects, aujourd'hui encore. Alice Winocour a évité ces écueils en choisissant un angle tout à fait pertinent : celui du deuil des survivants et de leur reconstruction post-traumatique. De fait, des attentats, il n'en sera presque pas question. Le film envisage les attentats comme une seconde naissance et, plus encore, comme quête pour la mémoire. Mia (Virginie Efira), a survécu à l'attentat ; elle n'est pas morte mais elle n'est plus tout à fait vivante. Ayant refoulé totalement les souvenirs de cette nuit d'horreur, elle va tenter tant bien que mal de reconstruire le puzzle de ses souvenirs des événements, condition indispensable au deuil et à la résilience. Pour cela il lui faudra retourner sur les lieux du drame et fréquenter les autres survivants avec leurs traumas singuliers. Découvrir nombre de vies brisées mais aussi et surtout une humanité derrière les victimes. Une humanité avec tout ce qu'elle comporte d'ambivalence dans un pareil drame : la peur et le courage mêlés, tout comme l'égoïsme et la fraternité. Car à aucun moment, les protagonistes ne sont pas dépeints en héros, bien au contraire, et c'est peut-être bien cela qui rend le film si intéressant. Revoir Paris invoque le besoin viscéral qu'éprouvent les victimes de s'enquérir des vivants : sont-ils morts, ont-ils survécu, que sont-ils devenus ? Derrière cette question obsessionnelle se cache le souhait de ne pas laisser la mort triompher une seconde fois.

La réalisation est certes sobre, voire un peu trop classique. Mais la réalisatrice pouvait-elle faire autrement pour traiter un tel événement ? Alice Winocour se met, à mes yeux, à bonne distance du drame et elle permet ainsi à Virginie Efira de démontrer qu'elle est décidément l'une des meilleures actrices francophones actuelles. Son jeu tout en nuances et en sensibilité donne tout le relief au récit.

Un film délicat, à l'image de la relation que Mia nouera avec Thomas (Benoît Magimel, tout en retenue). Se reconstruire et retrouver le goût de la vie, de la sensualité et du rapport à l'autre, malgré les cicatrices indélébiles.